Programme chargé pour le Frac Franche-Comté qui vernissait vendredi soir à la Cité des Arts de Besançon quatre nouvelles expositions. Quatre rendez-vous autour de la thématique du récit et de notre rapport aux histoires, celles que l’on lit, que l’on raconte ou que l’on se raconte. Parmi les artistes conviés, Diversions a rencontré Morgane Vié, ancienne élève de l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon, qui présente au Frac Franche-Comté des œuvres questionnant le médium photographique.
Dans sa toute première exposition monographique intitulée Contempler la noix de coco, que le Frac propose en collaboration avec l’ISBA de Besançon, Morgane Vié s’est intéressée en particulier à la photographie populaire, des images que l’on trouve dans les tiroirs chez soi ou dans les romans photo. Des images qu’elle a collectées dans plusieurs pays et au sein de sa propre famille. La plupart des œuvres présentées à la Cité des Arts ont été conçues spécialement pour l’exposition du Frac Franche-Comté, à l’exception de deux, créées à l’occasion du diplôme de Morgane à l’ISBA, qu’elle a obtenu en 2012.
Parmi les œuvres présentées, Unknown memories est une série de photos collectées en Turquie en 2010-2011, des images anciennes dénichées chez des brocanteurs. « J’ai voulu utiliser des techniques d’hologrammes pour pouvoir créer un reflet, car ce qui m’importait c’est de voir la photo et son envers ». Se dissimulent en effet une histoire, des histoires derrière chaque photo, à chercher et découvrir dans des notes prises, un tampon, des détails qui n’en sont pas. « Le revers de l’image et de l’histoire », dit encore l’artiste. En Mongolie en octobre dernier, Morgane préparait un documentaire évoquant le rapport que les Mongols entretiennent avec la photographie qu’ils exposent dans leurs yourtes. « On leur demandait de nous parler de ces photos-là, avec autour des photos de mon enfance que j’ai retournées, dans le but de faire disparaitre ma propre histoire à travers leurs histoires ». Une réponse à l’album montré lors du diplôme de Morgane en 2012. « J’y décrivais des photos qui m’appartiennent de la manière la plus objective possible ».
Elle-même photographe, Morgane devient cependant modèle pour sa série appelée très prosaïquement Portraits. « En 2010 je vivais à Istanbul et je voyais beaucoup de photographes. J’avais très envie de me faire photographier, j’ai commencé cette série ». Chaque photographe décide de la mise en scène, de l’attitude, du décor… « J’appelle cela des portraits de photographes, ce sont eux que je vois à travers ces photos ». Morgane Vié s’intéresse ici à la représentation que se font les photographes de sa propre image, des portraits effectués entre Turquie, Maroc et Mongolie. C’est dans le cadre du symposium « Puisqu’on vous dit que c’est possible » à Tanger, organisé notamment par l’ISBA, que les dernières photos de cette série ont été prises, il y a deux mois à Oulan-Bator. « Des images très différentes les unes des autres. Une seule est encadrée à cause d’un malentendu avec le photographe, comme un témoignage du choc culturel des langues ! », explique Morgane. Car que recherche ici l’artiste, si ce n’est la confrontation avec l’inconnu, et ce qu’il en ressort ? C’est davantage le déplacement, être dans un ailleurs, qui inspire Morgane, que le voyage en lui-même. « Ce sont les choses auxquelles je suis confrontée, plus que la distance, qui m’inspirent. Comment mon regard va être questionné par ce que je vois, ce que j’entends, d’autres cultures, d’autres rapports ».
D’ailleurs à l’occasion de l’œuvre Contempler la noix de coco, Morgane Vié évoque une fois encore le voyage, mais sans bouger de chez soi. Il s’agirait plutôt ici d’un non-voyage, de ceux que l’on accomplit devant son écran d’ordinateur. Il y a deux ans, à Paris, Morgane interrogeait Google sur l’endroit le plus lointain. « Je suis tombée sur une île où il y a 1400 habitants, en plein milieu de l’Océan Pacifique ». Grâce à Google Map, la jeune femme explore l’île de manière virtuelle. Facebook lui montre quant à lui le chemin vers des pages faisant référence à cette île baptisée Niue. Aujourd’hui encore, Morgane Vié correspond avec un peintre d’origine néo-zélandaise qui habite là-bas depuis trente ans. « Le livre retrace tout ce qui s’est passé sur cette île depuis que je l’ai découverte. L’idée aussi que peut-être, cet endroit n’existe pas, tout comme les informations, que l’on a via internet, et qui peuvent être assez aléatoires ».
– Dominique Demangeot –
À voir au Frac Franche-Comté, Cité des Arts (avenue Gaulard à Besançon), du 6 février au 8 mai 2016
Légende (exposition collective)
Acquisitions récentes
Susan Hiller – The last silent movie
Morgane Vié – Contempler la noix de coco
www.frac-franche-comte.fr