Reportage de Diversions lors des répétitions de la pièce
Cet automne, Benoît Lambert retrouve Jean-Charles Massera et Antoine Franchet à l’occasion de la nouvelle création du Théâtre Dijon Bourgogne. Après leur exploration de la chose politique il y a dix ans avec We are la France, We are l’Europe et Que faire ? (le retour), le trio s’attaque cette fois à une autre thématique qui nous concerne (presque) tous, l’art. How deep is your usage de l’Art ? (Nature morte) évoque ainsi ce terme qui recouvre bien des sens, qu’il s’agisse de musique, de cinéma ou de théâtre.
Parmi les questions posées, Benoît Lambert et ses compères s’interrogent sur la fonction de l’art : reflet du monde ou esquisses d’une autre société ? En compagnie de trois comédien.ne.s professionnel.le.s, Anne Cuisenier, Guillaume Hincky et Elisabeth Hölzle – et de quatre jeunes comédien.ne.s en contrats de professionnalisation au TDB – Marion Cadeau, Léopold Faurisson, Shanee Krön et Alexandre Liberati –, la pièce reprend donc la forme fétiche de Benoît Lambert, la conférence (en roue libre) pour explorer l’univers artistique dans son ensemble. « À la question essentielle «une société, un monde, une manière d’être et de vivre sans art, sans représentation(s) sont-ils possibles, envisageables ?», nous ne répondrons pas », annonce d’emblée Jean-Charles Massera, qui préfère se focaliser sur les effets de l’art sur nos chères personnes. L’art peut-il nous aider à réfléchir, à agir, voire à vivre ? Le titre même, amalgamant la libidineuse chanson des Bee Gees et l’art en lui-même (auquel on serait tenté de mettre une majuscule), annonce une réflexion teintée d’ironie. « C’est […] une façon de désigner immédiatement de quoi sont tramés nos imaginaires », souligne Benoît Lambert. « L’impureté, le mélange, la rencontre fortuite entre des éléments qui n’ont a priori aucun rapport entre eux, c’est d’abord, cela, un imaginaire: un joyeux bordel au sein duquel s’opèrent en permanence des rapprochements inattendus ».
Mais le bordel n’exclut pas la recherche ! Marx, d’abord, pour sa distinction entre valeur d’échange et valeur d’usage, Michel de Certeau ensuite, « l’un des premiers à travailler sur ce qu’on appelle désormais les « pratiques culturelles », en plaçant au coeur de son oeuvre une idée très belle, celle de l’usage, précisément », ajoute le directeur du TDB. L’art comme forme de résistance ? Un itinéraire bis pour quitter les chemins qu’on nous trace ? Plusieurs questions vont donc être traitées dans la pièce, telle que celle qui consiste à déterminer les sentiments ressentis face à une œuvre artistique. Quels sont les biais pour accéder à cette dernière? Ou encore, quid de l’habituelle opposition entre culture « savante » et « populaire » ? Face à l’étendue de la question, Benoît Lambert n’envisage pas de répondre de manière exhaustive et définitive. Quant à la pièce en elle-même, bien que la scénographie d’Antoine Frichet – réfléchie collectivement – ait été définie au préalable, elle prendra véritablement forme lors des répétitions au plateau, le metteur en scène la qualifiant d’ailleurs de laboratoire. Le fait que la distribution mêle des comédien.ne.s de générations diverses permettra en outre de confronter différentes visions de l’art.
– Dominique Demangeot –
How deep is your usage de l’Art ? (Nature morte), Théâtre Dijon Bourgogne (Parvis Saint-Jean), du 6 au 20 novembre
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