Retour inespéré que celui des Stranglers, formation mythique des années 80. La disparition de Dave Greenfield l’an dernier n’a pas entamé l’enthousiasme de ces pionniers du punk et en particulier de leur leader Jean-Jacques Burnel. Dark Matters a été terminé juste avant le début de la pandémie de 2020, des deux côtés de la Manche, premier enregistrement des Britanniques depuis neuf ans.
Un presque demi-siècle d’existence n’a pas émoussé les fines lames que sont The Stranglers, et ce dix-huitième album en est le parfait témoignage. Le groupe déploie ses influences diverses tout au long de ces onze titres, entre rock, folk, new wave (The Last Men On The Moon, ses claviers rétrofuturistes) et même la ballade qui va bien, hommage à ce cher Dave disparu trop tôt (Down). On retrouve le claviériste sur la plupart des morceaux, dès l’entame avec Water, titre pour le moins aérien, progressif en diable, dans l’esprit de l’éclectisme musical des Stranglers. Dark Matters est loin de n’être qu’un album punk même si l’on retrouve le mordant rock du groupe sur des titres comme While Stallion, bien azimuté tout de même avec ses échappées opératiques, ou encore This Song qui remet la new wave au goût du jour.
L’OVNI No Man’s Land lorgne davantage, comme Water, du côté progressif de la force, avec ses brisures rythmiques, ses triturages sonores. Ailleurs, Burnel se fend d’une sucrerie acoustique en guitare-voix (The Lines), d’une douceur que l’on n’attendait pas après No Man’s Land, et pourtant… Dark Matters nous donne à entendre un groupe en pleine possession de ses moyens. Les créateurs du tube Always The Sun ont particulièrement travaillé, on s’en doute, les atours pop de ce nouvel album, notamment les accords des voix comme sur And If You Should See Dave…, autre hommage au claviériste disparu, ou encore Payday, tandis que c’est le basse-batterie qui se partage le chant sur cet album. Les claviers glacés de If Something’s Gonna Kill Me (It Might As Well Be Love), c’est du Stranglers tout craché ! Dark Matters n’exagère rien dans son titre, et la noirceur du dernier morceau cité, tout comme celle de Down, resteront à jamais associées au décès de Dave Greenfield, mais le groupe compte bien aller de l’avant et on pourra retrouver les musiciens en live en France fin novembre et début décembre.
– Dominique Demangeot –