FOLK POP
Modern Sky
En 2022, The Coral célébreront leurs deux décennies de musique, qu’ils couronnent avec non pas un, mais deux disques. Un double album pour les Britanniques qui s’obstinent à rester discrets en dépit de leur talent certain. La formation menée par James Skelly (chant, guitare) et Nick Power (orgue) livre un album empli de lumières côtières et d’embruns pop folk aux accents parfois psychédéliques. Power a également écrit, pour accompagner l’album, un vrai bouquin intitulé Over Coral Island, histoire d’élargir encore davantage les frontières de l’univers déjà riche de cette mystérieuse Île de Corail.
The Coral nous livrent ici un concept album, les chansons entrecoupées d’intermèdes parlés (dits par le grand-père des frères Skelly) contant la grandeur et la décadence de Coral Island, ville balnéaire créée de toutes pièces. La cité nous est présentée sous un jour ensoleillé avec le premier disque (Welcome To Coral Island) tandis que le second évoque sa décadence (The Ghost Of Coral Island). Sur la première galette s’enchaînent des compositions lumineuses, qui nous font quitter les rives laiteuses du Merseyside pour les latitudes plus douces de Californie avec chœurs sur les refrains et l’orgue de Nick Power qui teinte les morceaux d’une nostalgie très sixties, convoquant The Kinks, Beach Boys et compagnie (une constante dans la carrière du groupe, et un premier temps fort sur le disque avec Vacancy). The Game She Plays ou les joliment mélancoliques Autumn Has Come et Strange Illusions montrent un versant plus acoustique de The Coral, comme si Simon and Garfunkel avaient réservé une chambre avec vue sur la mer à Coral Island. Évidemment la production léchée est toujours au rendez-vous pour tirer le maximum de cette folk pop, composée pour la première fois en commun entre tous les membres du groupe.
The Ghost Of Coral Island est certes plus noir, une facette hors saison qui débute dans une ambiance de fête foraine décadente avec Golden Age, titre qu’il faut prendre au deuxième degré car on n’est plus vraiment dans l’âge d’or de Coral Island. Le ciel s’est obscurci et une menace encore diffuse guette, même si le groupe nous exhorte à continuer d’avancer (« Keep on moving on »). Faceless Angel accélère d’ailleurs le train, mais la guitare se fait plus mordante, les claviers plus inquiétants. Watch You Disappear mène aussi un tempo soutenu, mais c’est pour évoquer une disparition. Courir vers la perte. Les musiciens renouent avec le côté sombre de Distance Inbetween, le disque du retour inespéré en 2016 après quatre ans de limbes. Oh, c’est pas qu’on veuille plus faire la bamboche. Take Me Back To The Summertime invite un piano de saloon quelque peu éméché. Les musiciens nous rappellent cependant qu’ils sont originaires du Merseyside, cette région balnéaire du nord-ouest de l’Angleterre, dont la plus grande ville est Liverpool (ça vous dira sûrement quelque chose). Ils nous font tout à la fois rêver avec cette ville imaginaire, mais nous chevillent aussi pas mal la mélancolie au corps. Même sans Bill Ryder-Jones, The Coral restent excellents lorsqu’il faut trousser des petites perles de folk-pop qui ne souffrent aucune faiblesse. C’est le cas ici de chansons telles Old Photographs, folk acoustique que l’on qualifiera sans peine d’essentielle, jouant à fond la carte nostalgie et les tons sépias. Il y a pas à dire, ces gens sont nés avec des réserves de mélodies dans les synapses.