En février 2016, Stanislas Nordey lisait des extraits d’Histoire de la violence, roman d’Édouard Louis, dans le cadre de L’autre saison à Strasbourg. Le directeur du TNS poursuit sa mise en lumière des textes contemporains, et retrouve aujourd’hui l’auteur. Il porte à la scène le troisième roman d’Édouard Louis, un texte paru au Seuil en mai dernier.
Le titre fait penser à une enquête policière, à cette différence près que le coupable est ici clairement identifié, d’où l’absence de point d’interrogation. « L’histoire de ton corps accuse l’histoire politique », confie le narrateur dans la pièce mise en scène par Stanislas Nordey. C’est la société qui a infligé au père d’Édouard Louis tous les maux dont il souffre aujourd’hui. L’usine casse, comme elle a brisé le dos du père à 35 ans. Le passage du RMI au RSA sous l’ère Sarkozy a également fait du mal. « Mon père a été harcelé par l’état. ‘’’Il faut retourner au travail, sinon tu perdras le minimum social que tu as, les aides sociales que tu as, tu perdras tout’’», expliquait l’auteur au TNS l’été dernier. « Ce à quoi on assiste aujourd’hui d’une manière aussi particulièrement violente avec le gouvernement ». Édouard Louis se remémore tout cela, la détresse du père, les coups de téléphone incessants, son travail de balayeur.
Édouard Louis raconte cette vie comme on parlerait d’une malédiction – son grand-père et son arrière-grand-père étant morts très jeunes en prison -. L’auteur parle d’ailleurs d’une « certaine accoutumance à la violence ». Et en partant de cette expérience hautement intime, il en vient finalement à parler du monde d’aujourd’hui. « C’est un texte politique, un texte de combat qui tout d’un coup se dresse et prend tous les risques », explique Stanislas Nordey. Face à ce sombre déterminisme social, dont traitait également Didier Eribon il y a une dizaine d’années dans son roman autobiographique Retour à Reims, il y a une réaction. Ici, le départ d’Édouard Louis du domicile familial dans le nord de la France. Cette enfance et cette adolescence, le jeune auteur nous en parlait déjà en 2014 dans Eddy Bellegueule, les classes populaires, l’homophobie qu’il subissait notamment dans son propre foyer. Aujourd’hui l’enfant originaire d’Amiens a fait du chemin et retrouve son père. Respirant à l’aide d’une machine, incapable de marcher, « le corps détruit », ce dernier suscite chez le fils un étonnement, un questionnement quant à la condition ouvrière de nos jours.
– Paul Sobrin –
Qui a tué mon père, Théâtre National de Strasbourg, du 2 au 15 mai, Salle Koltès