Ludovic Lagarde présente au TNS sa mise en scène de Quai Ouest. La pièce de Bernard-Marie Koltès nous met en présence de Maurice Koch, administrateur de bien au bout du rouleau, qui décide d’en finir, une nuit, dans une zone portuaire. Mais la mort ne veut pas (encore) de lui, un inconnu mettant à mal son projet de suicide.
Ludovic Lagarde a travaillé à la reprise de cette pièce qu’il avait déjà créée en 2014 en Grèce, développant plus avant le jeu des comédiens et la scénographie pour évoquer le destin de Maurice Koch. « Il a dilapidé la fortune qu’on lui avait confiée et sa fin laborieuse évoque celle du capitalisme et de la colonisation », explique le metteur en scène. « Il va entraîner dans sa chute ceux qui espéraient encore s’y faire une place au soleil. » Koltès écrit Quai Ouest en 1985, à une période où le capitalisme connait un nouvel essor, jetant les bases du libéralisme actuel et de la finance globalisée. Ludovic Lagarde explique d’ailleurs avoir eu l’idée de cette adaptation de Quai Ouest en Grèce, le pays étant à l’époque en pleine crise économique au début de la décennie 2010. La zone portuaire dépeinte dans Quai Ouest (inspirée à Koltès par la jetée du Pier donnant sur le New Jersey) est le lieu de la marge, mêlant déclassés, exclus, voyous, réfugiés. On prend connaissance des parcours de ces derniers au fil de la pièce. Koltès dépeignait une mixité propre à la ville de New York comme le fait encore remarquer Ludovic Lagarde, mais également une cité où la ségrégation par l’argent est une pratique commune.
C’est au début des années 80 que Koltès découvre ces entrepôts sur les ports new-yorkais, d’où partent et où arrivent les marchandises du monde entier. « Des hangars impressionnants, magiques et en même temps effrayants », confie Ludovic Lagarde dans une interview pour le Théâtre National de Bretagne. « Des lieux de rendez-vous new-yorkais d’une certaine faune et des milieux gay de l’époque. » Ce lieu tient une place centrale dans la pièce, et le metteur en scène a travaillé à donner à la fois une impression réaliste et un cadre onirique à ce décor, personnage à part entière pour Ludovic Lagarde. « C’est une pièce à la fois très ancrée, elle est vraisemblable, et puis elle contient une dose d’onirisme, de poésie, dans un mélange étrange. » Avec entre autres Laurent Poitrenaux et Dominique Reymond, artistes associés au TNS, Ludovic Lagarde porte plus loin sa réflexion sur notre ère capitaliste. « Mon intuition est que, à travers la volonté de suicide de Maurice Koch, c’est l’ancien monde qui vient se tuer », dit encore le metteur en scène de la compagnie Seconde nature.
Quai Ouest, Théâtre National de Strasbourg, du 8 au 16 décembre
Billetterie : https://www.tns.fr/QuaiOuest