Depuis juillet dernier, le FRAC Alsace accueille une installation géante de l’artiste new-yorkais Charlemagne Palestine. Le fonds régional a laissé carte blanche à ce dernier qui a ainsi investi sa grande salle d’exposition. Les 500 m² s’ouvrent à sa collection qui évoque la nostalgie de l’enfance, avec toujours une large place laissée à l’improvisation.
Une fois encore avec Charlemagne Palestine, son « Charleworld » s’est inspiré directement du lieu et de la place qui lui est accordée. La grande salle du FRAC Alsace accueille des œuvres plastiques mais aussi sonores, l’artiste étant également un musicien expérimental. Depuis trente ans, il collectionne par ailleurs les peluches et n’a évidemment pas oublié d’en apporter… quelques-unes lors de cette escapade sélestadienne. Visiter une exposition de Charlemagne Palestine, c’est donc s’immerger dans son univers. Comme l’indique son titre pour le moins distendu (Cccccharrrleeewwwworllddddd aaaaa gggessaammmtttkkkuunsttwerkkk ??????????), l’exposition nous interroge notamment sur la notion d’art total (« Gesamkunstwerk »). Ce concept n’est pas nouveau, le terme apparaissant pour la première fois en 1827 dans Esthétiques ou théorie de la philosophie de l’art par K. F. E. Trahndorff. Mais cette notion d’art total fut surtout théorisée dans le cadre de l’œuvre wagnérienne et les deux essais du musicien en 1849 (L’Art et la Révolution et L’œuvre d’art de l’avenir). De là à comparer les installations de Charlemagne Palestine à un grand opéra foutraque et coloré, rythmé par une musique expérimentale, il n’y a qu’un pas… L’exposition qu’il a conçue à Sélestat propose en tous cas un parcours visuel et sonore, où le monde de l’enfance est omniprésent. Une programmation artistique a d’ailleurs été spécialement élaborée à destination des familles sous différentes formes (visites guidées, ateliers…) mais aussi conférences, performances, projections et autres événements pour un large public.
L’artiste né en 1947, aux origines ukrainiennes d’Odessa, débute la musique dans une chorale juive avant de pratiquer la Klang music. Le Musée d’Art Moderne lui permet de découvrir l’avant-garde new-yorkaise du côté des arts plastiques (Clyford Still, Mark Rothko…) et le courant minimaliste du côté musical (John Cage, Edgar Varèse, Steve Reich et bien d’autres). Ce pionnier de la drone music se baptise pourtant lui-même « maximaliste » et artiste total. C’est aussi un roi de la récup’, collectionnant notamment les peluches qu’il sauve de la décharge, et qui deviennent alors ses « divinités », se retrouvant dans son travail plastique. Ainsi peluches, claviers, oscillateurs et compositions plastiques s’unissent pour former un tout dans chaque lieu d’exposition investi par le New-Yorkais. De ses origines juives, Charlemagne Palestine a enfin gardé un goût pour une certaine dimension mystique et le sacré, qui se confondent avec l’animisme et la transe. Ses peluches et d’autres objets se voient attribuer des traits humains, dans la morphologie et le comportement, des créatures qui vont peupler les univers parallèles de l’artiste.
– Paul Sobrin –
Cccccharrrleeewwwworllddddd aaaaa gggessaammmtttkkkuunsttwerkkk ??????????, Charlemagne Palestine, Sélestat, FRAC Alsace, jusqu’au 13 novembre – frac-alsace.org