On peut encore découvrir jusqu’au 19 mai une sélection d’œuvres évoquant les paysages d’hiver au musée de l’Abbaye. Une source d’inspiration fertile qui a fasciné des générations d’artistes, des regards qui ont nécessairement évolué face à la prise de conscience écologique actuelle.
Amélie Lavin, Valérie Pugin et Corsin Vogel, commissaires de l’exposition, ont réuni une collection de pièces issues d’époques différentes et de courants artistiques variés (par plus de trente artistes à retrouver sur les différents niveaux du musée de Saint-Claude). Si les médiums sont divers (peinture, photographie, sculpture, œuvres sonores), leur dénominateur commun, les paysages d’hiver, se prête à de multiples interprétations. Ce paradis blanc de glaciers et de montagnes, peut évoquer le calme et la volupté, des paysages idylliques, parfois idéalisés et protégés du reste du monde. Une page blanche que l’imagination humaine se plait à remplir. Mais à l’image de la tache de sang sur la neige dans le roman Un roi sans divertissement de Jean Giono, les étendues neigeuses peuvent aussi recéler de sombres secrets, être le théâtre d’avalanches, de tempêtes qui saccagent, engloutissent, d’autant plus dans un contexte de réchauffement climatique inévitable.
Avec le développement des expéditions, déclenchées par la soif de découverte des explorateurs, les peintres du XIXe siècle documenteront ces voyages sur les toits du monde, à l’image de Claude-Sébastien Hugard de la Tour qui brosse le portrait de La Mer de Glace en 1862, avec ses flots figés qui n’ont pas dû manquer d’impressionner les voyageurs. Près d’un siècle et demi plus tard Julien Discrit, avec Inframince (Mont-Blanc), capturera à l’intérieur d’un bloc de résine transparent et luminescent le relief du Mont-Blanc, recréé à partir d’une carte IGN, grâce à la précision permise par les nouvelles technologies. La tendance artistique contemporaine tend d’ailleurs à mettre à profit la glace ou la neige elle-mêmes, comme matériaux des œuvres (naturels ou recréés artificiellement), à l’image de Tous les gels du monde de Jean Messagier (vers 1973), l’artiste écologiste créant véritablement avec la nature (des peintures à l’acrylique qu’il laisse l’hiver à l’extérieur afin que le gel parachève son œuvre).
Une conscience écologique que l’on retrouve nécessairement chez les artistes d’aujourd’hui, l’heure du bilan d’un tourisme de montagne qui a pris son essor dans les années 70, constellant les étendues blanches de télécabines, parfois au mépris de la nature à l’instar de ce qui se passe sur les littoraux. Une « folie douce » comme le souligne le photographe Bertrand Stofleth qui nous rappelle aussi qu’il existe aujourd’hui des lacs artificiels pour cultiver de la neige là où elle ne tombe plus…
Paysages Gelés, musée de l’Abbaye, Saint-Claude, du 23 décembre 2023 au 19 mai 2024
Dernière visite guidée de l’exposition : 6 mars à 15h (Tarifs : 7,50 à 8,50€ – Réservation : contact.musee@hautjurasaintclaude.fr)
http://museedelabbaye.fr/expo/37-exposition-paysages-geles-musee-de-l-abbaye.html