ROMAN
Albin Michel/Versilio
Parution le 6 avril 2023
Roland Portiche n’en a pas fini avec la figure de Jésus. Après avoir imaginé, dans sa trilogie Ernetti, une machine à voir dans le temps afin de prouver l’existence du Christ, le romancier nous transporte cette fois en 1291, en Palestine à la toute fin des Croisades pour évoquer la Passion, ou tout du moins ce que l’on voudrait nous faire considérer comme telle.
Capturé par des trafiquants de reliques, Alister Durward, noble écossais, est torturé par ces derniers dans le but de créer une copie du Saint-Suaire. Son père fait appel à Ulysse Cameron de Bath pour retrouver son héritier, un ancien croisé qui sera aidé dans sa quête par son écuyer Kostandin, et la sœur d’Alister, Sybille. La petite troupe aura rarement l’occasion de respirer, à une époque où sévissent différents envahisseurs, et où le monde chrétien doit affronter mamelouks (miliciens au service des souverains musulmans), Tartares et faussaires sans foi ni loi. Comme à son habitude, Roland Portiche s’appuie sur des faits historiques. Ainsi Ulysse est un descendant d’Adélard de Bath, philosophe et mathématicien qui a parcouru Syrie, Palestine, Espagne, entre autres contrées. On voyage également beaucoup dans ce roman qui nous mène de la vallée du Loch Ness en Écosse, jusqu’en Haute-Galilée, et de Bagdad jusqu’à l’empire mongol, sur les traces du pauvre Alister.
L’Homme qui ressemblait au Christ coche toutes les cases du roman d’aventure, avec ses mystères, combats et rebondissements, proposant aussi une réflexion sur la foi et les marchands du temple (que Jésus dénonce dans l’Évangile selon saint Jean : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic »). La religion est en effet source de revenus pour les faussaires de tous poils… et pour l’Église. « C’est que l’adoration du crucifix rapporte au diocèse une véritable fortune », avoue l’évêque de Lucques. Roland Portiche revient également sur la folie des hommes, lorsque des Chrétiens d’Occident en viennent à massacrer ceux d’Orient, autre fait historique qui a inspiré l’auteur. De la même manière, Roland Portiche revient sur un monde chrétien (déjà) en déroute, incarné par le traumatisme d’Ulysse, le moine-soldat. Les Croisés auraient-ils tenté de libérer le tombeau du Christ en vain ? « Ce n’est pas les musulmans, mais notre égoïsme et notre avidité qui nous auront vaincus », lance ce dernier à Sybille. L’Homme qui ressemblait au Christ mêle habilement aventure et érudition.
Ben Sachs