Croisée en février dernier lors de la manifestation Littératures étrangères, organisée par la Médiathèque d’Audincourt et qui était consacrée cette année à l’Italie, Simonetta Greggio a évoqué pour Diversions la sortie de son nouveau roman, Mes nuits sans Bardot, à paraitre le 2 avril chez Albin Michel.
Simonetta Greggio arrive en France en 1981, à Besançon, pour suivre ses études. « Je venais d’Italie, d’une enfance, d’une jeunesse un peu difficile, j’avais fugué, des rêves plein les poches et un parcours déjà un peu chaotique. » En France, celle qui n’est pas encore romancière trouve un certain apaisement, et s’inscrit à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales où elle suit le séminaire de Milan Kundera. Simonetta devient journaliste, critique littéraire et gastronomique, métier qu’elle exerce pendant plus de vingt ans avant de sauter le pas (un vieux rêve) et de publier son premier roman, La douceur des hommes qui sera prochainement adapté au cinéma. « Je serai assez amusée de voir aujourd’hui, vingt ans après l’écriture de ce premier roman, ce qu’il en est de cette douceur, de ces hommes dont l’histoire a un peu changé ces derniers temps… Et moi aussi d’ailleurs j’ai changé ! »
C’est cependant une figure hautement féminine qui est au centre du prochain roman de Simonetta Greggio, « un tête-à-tête imaginaire » comme elle le dit elle-même, avec Brigitte Bardot. La romancière avait déjà évoqué cette dernière à l’occasion d’un documentaire réalisé pour France Culture, une « grande traversée » en compagnie de l’icône des années 60 et 70. Pour la romancière, Brigitte Bardot est « une des premières femmes libres, une des premières femmes qui a vraiment prôné l’émancipation féminine, grande ambassadrice des animaux. » À l’instar de ces hommes à qui elle avait consacré son premier roman il y a vingt ans, l’autrice a changé elle aussi. « J’ai commencé à lire beaucoup de livres d’écoféministes comme Mara Mies (sociologue allemande, 1930-2023, NDLR). Le prochain livre est vraiment une mise au point de tout ce que j’ai appris et compris les dernières années. » Simonetta nous confie également qu’au contact de Brigitte Bardot, elle est elle-même devenue végétarienne !
Dans Mes nuits sans Bardot, on croise beaucoup d’hommes qui ont compté pour cette dernière : Gainsbourg, Trintignant… mais aussi Marguerite Yourcenar, l’une des écrivaines fétiches de Simonetta Greggio, Colette qui habita la Treille Muscate à Saint-Tropez, avant que la ville ne devienne le royaume de Bardot avec sa propre demeure, La Madrague, qu’elle chantera en 1963. On croise aussi Gide, Cocteau, Allégret, Vadim… « des personnages qui ont été extrêmement importants à un moment donné dans l’histoire culturelle de la France. » L’écrivaine italienne nous confie que Mes nuits sans Bardot est né « d’une contrariété : beaucoup d’amis m’ont dit « Mais enfin qu’est-ce que c’est que cette manière de donner la parole à une vieille réac’ ? ». Je me suis dit que c’était une grande injustice. Souvent les femmes qui sortent du lot, projetées au premier plan dans la société sont aussi des femmes qui sont, comme on dit maintenant, bashées. Finalement, on a toujours tort d’être belle et d’ouvrir sa gueule. » Bardot a osé parler, c’est peut-être son plus grand tort. « Regardez ce qui est arrivé à Justine Triet lorsqu’elle a reçu sa Palme d’Or… » Simonetta Greggio souhaite aussi remettre certains propos qu’a tenus Brigitte Bardot dans le contexte de sa génération.
Dans le documentaire radiophonique qu’elle lui avait consacré, Simonetta se plaignait, sur le ton de la plaisanterie, que l’actrice n’ait jamais répondu à ses lettres. Dans son roman, elle invente alors une relation épistolaire pour dessiner un portrait en creux de Bardot. Le beau titre du livre, on le doit à Caroline Marson, son éditrice chez Albin Michel. Un roman où il sera beaucoup question des femmes évidemment, de liberté et de maternité, mais aussi de la facette « animaliste, antispéciste » de Bardot que Simonetta Greggio souhaite évoquer en particulier. Une manière de réconcilier aussi l’être humain et la (sa) nature. « On oublie souvent qu’on est des animaux et Brigitte Bardot me l’a rappelé de manière presque cruelle. » Bardot, Simonetta Greggio aime la comparer à « un mustang sauvage, quelqu’un qui est indompté et qui n’aime pas du tout qu’on parle d’elle. » L’autrice veut « remettre les choses dans leur contexte, revoir la figure de cette femme dans ce qu’elle a de plus sincère, de plus brut », « recréer » la figure de Bardot qui a, d’une certaine manière, annoncé notre époque actuelle.
Dominique Demangeot
Simonetta Greggio, Mes nuits sans Bardot (Albin Michel, sortie le 2 avril 2024)