Modulor
Sortie le 27 novembre 2020
Lorsque débute ce périple de Nuit à Jour avec Pierre Richard en capitaine de vaisseau, sur une musique de Jb Hanak et des textes d’Ingrid Astier, il suffit de quelques secondes pour reconnaître le timbre familier d’un acteur populaire dans le bon sens du terme, qui a accompagné plusieurs générations de spectateurs au cinéma comme au théâtre. Le trio nous offre aujourd’hui un bel objet que l’on identifiera comme une déambulation poétique et musicale, en mode nocturne.
On retrouve l’artiste et ses 86 printemps en format disque avec la sortie, le 27 novembre, de Nuit à Jour, dont l’origine est un beau texte d’Ingrid Astier paru en 2014, Petit éloge de la nuit. Les frères Jb et Fred Hanak collaboraient une première fois avec la romancière en 2013, à l’occasion du roman Angle Mort paru chez Gallimard. L’autrice fit à nouveau appel à eux lorsqu’elle a entrepris son projet d’abécédaire noctambule. Deux pages furent alors confiées aux frères, et Jb mit ensuite l’ouvrage en musique. S’ensuivirent des concerts en duo guitare/voix avec Pierre Richard, puis une adaptation pour la scène au théâtre du Rond-Point. Le projet est finalement immortalisé sur disque fin 2019, Jb Hanak officiant seul aux guitare, basse, synthé et programmations rythmiques de l’album, suite à la disparition de son frère.
On apprécie, dans ce délicieux Nuit à Jour, le personnage lunaire (ça tombe bien) que l’on connaît, cet anti-héros touchant qu’a si bien su incarner Pierre Richard tout au long de sa carrière. « On me juge distrait », lance-t-il sur Évasion volontaire. « La nuit, je peux être moi », ajoute plus loin le comédien. La nuit agit comme un révélateur de nos peurs, de nos désirs, et de ces intimités que l’on dissimule durant la journée. Nuit à Jour n’est pas à proprement parler un album de chansons, davantage une envolée poétique à suivre en musique, aux atours pop. La langue y est porteuse de sens et de sonorités, mais le mot imprime aussi son propre tempo à l’image du titre Nyctalope. La musique y esquisse des paysages. Ailleurs, Ingrid Astier rend hommage au frère disparu sur dDamage, qui nous conte l’histoire du duo Hanak. Pierre Richard cabotine, nous faire sourire, nous émeut parfois, et l’univers de l’enfance n’est jamais loin. Parmi les membres de cette Armée des ombres, on croise ici un chat qui passe sa vie en pyjama, là, une datura, cette plante également appelée herbes aux sorciers ou pomme du diable, propre à faire voyager l’imagination. Plus loin, on nous entretient du niphargus, petit crustacé aveugle, « cavernicole et carnivore », heureuses assonance et allitération dont cet insomniaque abécédaire est friand.