BIOGRAPHIE
Hoëbeke
Alors que l’on commémore les cinquante ans de la disparition de Jim Morrison ainsi que la publication du dernier album des Doors de son vivant, LA Woman, Patrick Coutin consacre au chanteur une biographie. Il dresse une éclairante « géographie du show-business, du rêve et de la perdition », et replace la trajectoire météore des Doors dans le contexte de l’époque, une fin des années 60 à la fois bouillonnante de créativité et particulièrement violente, qui fit de nombreuses victimes collatérales parmi les artistes. Jim Morrison en fut la figure la plus flamboyante et la plus tragique.
C’est en citant le mythique road-novel Sur la route, que Patrick Coutin part à la rencontre du « fou, marginal, rebelle, anticonformiste et dissident » Morrison, pour paraphraser Jack Kerouac. Morrison était un peu tout ça. On y ajoutera bien évidemment son talent de chanteur et poète. Pour la musique, on peut faire confiance à Ray Manzarek, Robby Krieger et John Densmore pour confectionner le parfait écrin à ses textes. Et on peut aussi compter sur Patrick Coutin, musicien et journaliste, pour nous emmener dans l’univers de Morrison et ses compagnons de route. On suit le groupe de Los Angeles à New York (qui voit le groupe à son summum), jusqu’à la fatale étape parisienne de Morrison six ans plus tard. L’auteur a choisi quelques dates clés dans l’histoire des Doors : la proposition de Ray Manzarek de former un groupe de rock, le passage mythique au Whisky à Go Go, « où les Doors deviennent les Doors », et quelques autres temps forts.
Les choix iconographiques retracent eux aussi les hauts faits de la carrière éclair des Doors, comme cette photo montrant le quatuor lors du concert mythique de l’Hollywood Bowl en 1968, Morrison en retrait dans son monde, Manzarek aux claviers ne perdant pas du regard son poète de chanteur, ce dernier pouvant très vite partir en roue libre. Les albums studio sont également évoqués pour compléter le portrait de ce groupe protéiforme que constituent les Doors, et surtout appréhender l’équilibre fragile entre la folie destructrice de Morrison et le métronome que constituent les trois autres larrons.
« Cet aller-retour, cet échange incessant entre les Doors et leur chanteur, est la base de leur dramaturgie. »
Dans cette « ville qui vit pour amuser le monde », Los Angeles, Jim Morrison incarne la réaction ultime face à une société puritaine, qu’il met face à ses démons (une Amérique capable de mobiliser trente mille personnes dans un stade pour protester contre l’immoralité des Doors). Patrick Coutin parle d’ailleurs d’« assassinat d’État » lorsqu’il évoque la descente aux enfers du chanteur, et emploie une expression particulièrement pertinente pour décrire la fin des années soixante : « la réalité diminuée de la société ». Le chanteur ne cessera d’inciter son public à passer outre ce rideau de fumée… Break On Through… Patrick Coutin livre aussi quelques anecdotes, comme cette rencontre brève (au pire ratée, au mieux surréaliste) entre Jim Morrison et Mick Jagger juste avant le concert du Hollywood Bowl. Entre les lignes (de coke), il brosse aussi le portrait d’un groupe préfigurant ce qu’allait devenir le rock business avec ses icônes. Ces « Norman Mailers du Top 40 », comme les surnommera Joan Didion, furent à la fois un groupe dénonçant les travers du système, loin de la pop sucrée des Mamas and Papas, mais aussi un rouage de ce même système. Ce « chaman électrique » de Jim Morrison ne le supportera pas.
Dominique Demangeot
Une rencontre/dédicace avec Patrick Coutin est organisée à Paris le samedi 19 juin à 15h à la Librairie Lamartine, 118 Rue de la Pompe.
Diffusion sur Arte d’un documentaire de 52 minutes sur les derniers jours de Morrison à Paris auquel Patrick Coutin a participé, réalisé par Olivier Monssens, le 2 juillet (disponible sur le net une semaine avant).