Avec un commissariat général de Benjamin Foudral, directeur et conservateur du Musée et Pôle Courbet, et un commissariat scientifique de Carine Joly, conservatrice de l’Institut Gustave Courbet, l’exposition Un atelier à soi évoque ces lieux de création, mais aussi d’échange, que sont les ateliers d’artistes. En partant de l’atelier ornanais de Courbet, l’exposition porte un regard plus large sur l’évolution de l’atelier au cours du XIXe siècle.
Le Département du Doubs, qui a acquis l’atelier de Courbet en 2007, procède actuellement à une campagne de restauration conséquente du lieu pour en faire une étape du « Pays de Courbet, pays d’artiste ». S’il ouvrira bientôt ses portes, l’atelier est aujourd’hui mis en lumière à travers une exposition le resituant dans la carrière du peintre. C’est aussi l’occasion de parler de la place de l’atelier d’artiste de manière générale. Au XIXe siècle, le statut de ce dernier évolue et son atelier tend à s’ouvrir au regard des autres. Il devient à la fois lieu de la création mais aussi des rencontres et des échanges. Il peut même être, comme le montrera Courbet, un lieu de promotion, à son image.
Au travers de plus d’une soixantaine de prêts (tableaux, sculptures, dessins et gravures, photographies…), l’exposition Un atelier à soi se consacre notamment à une exploration de l’atelier de Gustave Courbet, qui immortalise le lieu en 1855 avec son tableau L’Atelier du peintre. Destinée à l’Exposition universelle de Paris, qui le refuse, l’œuvre sera présentée au Pavillon du Réalisme, son exposition personnelle. Il s’agit ici de son atelier parisien, auquel Courbet applique une nouvelle perspective. Loin de tout romantisme, et de l’image de l’artiste seul face à sa création, Courbet dépeint ici un atelier où gravitent plusieurs personnes. Comme pour L’enterrement à Ornans, le format choisi est monumental, recélant plusieurs symboles artistiques, politiques et sociaux. Mais l’atelier reste un lieu intime, « miroir de l’artiste », comme on pourra le voir dans une deuxième section de l’exposition. Dès la seconde moitié du XIXe siècle, les images de l’artiste en son atelier sont légion. Son statut social évolue lorsqu’il devient une personnalité publique dont le travail (et l’intimité !) génèrent un intérêt grandissant.
L’exposition explore d’ailleurs aussi « l’atelier médiatisé » dans la seconde moitié du XIXe siècle, où se développe un genre journalistique particulier : les visites d’atelier. Accompagnés de gravures ou photogravures faites à partir de clichés photographiques, ces reportages, populaires, se retrouvent notamment dans des revues comme L’Illustration, Le Monde illustré… La publicité fait de l’artiste un individu en représentation, et l’on parle même de « reportage mondain » lorsqu’il s’agit de visiter un atelier devenu une vitrine commerciale, « une fausse intimité » qui n’est pas sans rappeler les poses adoptées aujourd’hui sur Instagram et autres réseaux sociaux… L’exposition s’attache enfin à décrire l’évolution architecturale et géographique des ateliers d’artiste, avec leur développement dans les centres urbains mais aussi les campagnes. Cette dernière évolution est aussi à rapprocher de l’essor de l’impressionnisme et du réalisme, et de la pratique de la peinture à ciel ouvert.
– Dominique Demangeot –
Un atelier à soi, Ornans, Musée Courbet, du 18 décembre au 27 mars
musee-courbet.fr