Cet été, le Musée Courbet s’intéresse à un mythe apparu dès l’Antiquité, celui d’un âge d’or, époque paisible où l’homme aurait vécu en harmonie avec la nature et les dieux. Un mythe qui résonne d’autant plus aujourd’hui que les ressources naturelles sont mises à mal, et alors que la paix sociale semble devenue une utopie…
Hendrick Goltzius (1558-1617), L’Âge d’or – 1598 – Huile sur bois ; 51,5 x 71 cm
Arras, musée des Beaux-Arts – Inv. 859.2 © Musée des Beaux-arts, Arras
S’il existe un âge d’or, celui-ci est suivi par trois autres périodes : argent, bronze et fer, annonçant un déclin inéluctable de l’humanité, comme l’ont évoqué les auteurs Hésiode et Ovide. Peu à peu, l’harmonie et l’abondance feraient place à une lente déchéance, jusqu’à l’effondrement final. Le récit biblique propose un récit en miroir avec la Genèse, Adam et Ève chassés du Jardin d’Éden. En redécouvrant les textes antiques, artistes et penseurs de la Renaissance vont se pencher sur ce mythe de l’âge d’or, et l’on trouvera dans l’exposition plusieurs œuvres comme celles de Giorgio Vasari (1511-1574) et Jacopo Zucchi (1542-1596), des commandes des Médicis instaurant certains codes à l’image du lieu idyllique, hommes et femmes dans le plus simple appareil, en communion avec la nature, dansant. Mais ce mythe sera évoqué et réinterprété tout au long de l’histoire, et notamment au siècle de Gustave Courbet, dans une Europe en crise que n’épargnent ni la pauvreté, ni les guerres et les nationalismes émergents.
Mais tout espoir n’est peut-être pas perdu. Le poète Virgile, au Ier siècle av. J.-C., théorisera d’ailleurs le concept de cycle, appelant un retour possible de l’âge d’or, ouvrant ainsi la voie aux utopies à l’image de la pensée socialiste de Charles Fourier (1772-1837) ou encore
des mouvements anarchistes de la fin du XIXe siècle. Ingres illustrera les « beaux paresseux » et Matisse instituera comme lieu idyllique les plages de Collioure, recourant tous deux à des motifs classiques comme la ronde autour de l’arbre de mai, célèbrant le retour du printemps. Au XIXe siècle, les artistes s’intéressent à nouveau aux Métamorphoses d’Ovide, donnant corps aux divinités – Saturne, Astrée… – et à ses vertus telles la Paix, l’Abondance et l’Innocence des premiers hommes. Citons encore Orphée, dont la lyre enchanteresse apporte l’harmonie. Et tandis que Saint-Simon (1760-1825) inspire les artistes et appelle à « proclam[er] l’avenir de l’espèce humaine, ôt[er] au passé l’âge d’or pour en enrichir les générations futures » (Opinions littéraires, philosophiques et politiques), le peuple se prend à rêver d’une société plus égalitaire. L’art peut donc avoir une visée sociale à l’image de l’art décoratif ou monumental, afin de toucher un large public. Pour fuir la société industrielle des villes, certains artistes en appellent à un retour à la nature. C’est ainsi que le primitivisme, représenté notamment par Paul Gauguin (1848-1903) et André Derain (1880-1954), prend forme dans des représentations naïves d’un monde resté proche de la nature.
– Dominique Demangeot –
L’âge d’or. Paradis, utopies et rêves de bonheur, de Brueghel à Signac, Ornans, Musée Courbet, du 24 juin au 1er octobre
musee-courbet.fr