Le Musée Courbet accueille sa dernière grande exposition en lien avec le bicentenaire de la naissance du peintre ornanais. Après le « face à face » Gustave Courbet / Yan Pei-Ming, le visiteur est cette fois invité à découvrir les liens unissant le créateur de L’Atelier du Peintre et Ferdinand Hodler, qui vont fréquenter les mêmes cercles et exposer ensemble à cinq reprises. Les deux artistes influenceront, chacun à leur manière, la peinture européenne au XIXe siècle.
Ferdinand Hodler a vingt ans lorsque Gustave Courbet part s’exiler en Suisse en 1873. Hodler lui, habite Genève depuis deux ans. Si Hodler sera influencé par la peinture de Courbet au début de ses études, comme l’illustre son Nant de Frontenex en 1874, que l’on a comparé au Chevreuil chassé aux écoutes, il va par la suite s’en affranchir en adoptant un principe de composition régi par la répétition, ainsi que par la symétrie des formes et des couleurs. Son travail sera admiré par l’avant-garde contemporaine, et notamment Kandinsky. Au-delà des résonances artistiques entre les deux hommes, Gustave Courbet et Ferdinand Hodler partagent également un tempérament bien affirmé. « Vous ne serez toujours qu’un stupide maître d’école, que moi depuis longtemps je serai un peintre célèbre », lancera Hodler à son instituteur. Un tempérament rebelle à l’autorité qui le poussera, comme Courbet, à exposer en indépendant.
On suit tout d’abord dans une première section « Hodler sur les pas de Courbet », avant de se pencher sur la thématique féminine, sujet d’inspiration fort pour les deux peintres, même si Hodler adopte un point de vue plus symboliste, comme on peut le voir lorsqu’il inclut sa maîtresse Jeanne Cerani dans La Source. Courbet fait davantage ressortir la sensualité du corps féminin. On passe ensuite dans une section traitant de la nature, pour montrer comment les deux hommes ont souhaité peindre différemment les paysages. Courbet refuse le romantisme pour traiter son environnement de manière réaliste, tandis qu’Hodler recherche avant tout une unité et une harmonie dans la nature. Tout comme Courbet a ouvert la voie au réalisme, le parallélisme d’Hodler annonce l’abstraction du XXe siècle. Courbet s’intéresse de plus à son prochain, produisant une peinture sociale qui expose les conditions de vie du peuple, sans fards. Le peintre est célèbre pour ses scènes rurales, mais aussi pour sa série du grand chemin avec Le Chemineau, entre autres toiles. Courbet sera ainsi un grand témoin de l’exode rural. Pour la série de billets commandés par la Banque nationale suisse en 1908, Hodler choisit de représenter des travailleurs, avec les figures du Faucheur et du Bûcheron, entre symbolisme et expressionnisme. La dernière partie de l’exposition nous transporte autour du Léman, évoquant l’exil suisse de Courbet après la Commune de Paris, à l’automne 1873. Le coucher de soleil sur le lac de Hodler, en 1876, fait écho aux marines mélancoliques de Courbet. Hodler développera par la suite son concept du parallélisme en l’expérimentant notamment dans des paysages lacustres.
– Paul Sobrin –
Courbet/Hodler : une rencontre, Ornans, Musée Gustave Courbet, du 31 octobre au 6 janvier