En cette année olympique (la Flamme passant par le Doubs le 25 juin), le Musée Gustave Courbet met en place une nouvelle exposition qui mêle sport et culture. Plus de 200 œuvres et objets évoquent à Ornans les sportifs modernes, ces « colosses » représentés par les artistes au tournant du XXe siècle, une production qui reste pourtant méconnue.
En 1853, Gustave Courbet présentait au Salon Les Lutteurs, tableau quelque peu occulté par le scandale suscité par ses fameuses (et, pour l’époque, scandaleuses !) Baigneuses. Le peintre ornanais se positionnait cependant aux avant-gardes en invitant pour la première fois des athlètes au Salon. L’exposition va s’intéresser aux lutteurs antiques, dont se sont notamment emparés les caricaturistes du XIXe siècle. Aux canons esthétiques définis par les peintres et sculpteurs (Les Lutteurs des Offices de Florence, Le Gladiateur Borghèse…), des artistes comme Géricault (1791-1824) ou Delacroix (1798-1863) vont aussi proposer des adaptations de ces représentations.
Courbet fera de même en introduisant la modernité dans ses peintures de lutteurs. Il les vulgarise en prenant pour modèle des sportifs de son temps. Ces derniers deviennent alors les premières « stars » sportives. Le Second Empire et la Troisième République vont poursuivre cette glorification des athlètes, la pratique du sport se généralisant. À Paris, la lutte est une pratique populaire, dans les foires, théâtres, et même des salles qui lui sont désormais dédiées. Là encore les artistes s’attachent à représenter la figure de l’athlète, héros moderne, tandis que l’anatomie sportive est enseignée aux beaux-arts. La musculation devient une pratique à part entière. Un culte du corps se développe alors, d’autant que l’avènement de la photographie diffuse encore davantage ces nouveaux canons esthétiques. Les icônes sportives sont nées…
Focus sur les Lutteurs de Falguière (1875)
Avec le premier concours de beauté plastique et musculaire organisé en avril 1902, apparaissent plusieurs stéréotypes de genre : l’homme viril, fort, et la femme sensuelle et gracieuse. Les artistes contribuent à faire circuler ces a priori, à l’image de Gustave Courtois et son modèle, le culturiste Maurice Deriaz. Mais lorsqu’il s’agit d’évoquer la puissance des lutteuses, on les représente souvent sous un angle vulgaire et caricatural, ou associées à des concepts érotiques. Le sport devient quant à lui un spectacle, et un rouage essentiel de la société du divertissement naissante. La presse chronique les exploits sportifs dans les journaux et les magazines, et les affiches deviennent le terrain d’une nouvelle créativité graphique.
– Dominique Demangeot –
COLOSSES. Lutteurs, culturistes et costauds dans les arts, Ornans, Musée Courbet, du 1er juin au 13 octobre
musee-courbet.fr