Alors que l’on fête en 2018 le centenaire de la disparition de Claude Debussy, l’Opéra national du Rhin proposera dans quelques semaines une nouvelle production de son fameux et unique drame lyrique créé à l’Opéra-Comique le 30 avril 1902. Pelléas et Mélisande, inspiré du drame symboliste de Maurice Maeterlinck, qui puisait lui-même ses racines dans l’histoire de Tristan et Yseult, nous conte une passion interdite dans le royaume d’Allemonde.
Mélisande est mariée au Prince Golaud, mais aime pourtant en secret le demi-frère de ce dernier, Pelléas. Voici pour le nœud de l’intrigue, le fameux trio amoureux. L’OnR accueille la production de Barrie Kosky que ce dernier créait au Komische Oper de Berlin en octobre 2017, avec une partition interprétée par l’Orchestre philharmonique de Strasbourg dirigé ici par Franck Ollu. Si le livret s’inspire de l’histoire de Tristan et Yseult, Barrie Kosky ne pense pas qu’il faille chercher dans la partition de Debussy une filiation musicale avec Wagner. « Debussy cherche au contraire, dans la tradition française qui remonte au moins à Rameau, et certainement même à Lully, à mettre en valeur le texte et à faire entendre par la musique tout ce qu’il ne dit pas », souligne le chef d’orchestre. Musique évocatrice, comme lorsque Debussy emploi de nombreux triolets pour dépeindre les flux et reflux de la mer. D’autant que le compositeur s’est notamment appuyé sur la musicalité de la langue française pour élaborer sa partition, tirant profit de cette langue « évocatrice » de Maeterlinck qui écrira le livret de l’opéra. Franck Ollu parle d’une nouvelle forme d’écriture vocale, « entre la déclamation théâtrale et le chant lyrique ». Une formule innovante pour l’époque qui cherche à établir une symbiose entre les mots et la partition.
Pelléas et Mélisande a tout du conte symboliste, avec sa forêt où s’est égarée une jeune et mystérieuse femme, deux princes, un amour secret et un château (celui du royaume d’Allemonde). Une œuvre également emplie de mysticisme, où la violence côtoie le sentiment amoureux, et une nature constamment présente. Pelléas et Mélisande apparait ainsi comme une œuvre de contrastes. « L’effroi, la beauté et l’érotisme se côtoient tout aussi abruptement dans les peintures de Francis Bacon », dit encore Franck Ollu. Le metteur en scène a souhaité que le décor connote cette impression de claustrophobie, et l’absence de mer, pourtant très présente dans l’histoire, semble nous dire que l’on ne peut ni entrer ni sortir du royaume d’Allemonde. D’autant que pour Barrie Kosky, la mer… c’est l’orchestre ! Le noir de la scène met en outre l’accent sur les chanteurs et les chanteuses, l’occasion pour ces derniers d’exprimer la riche palette de sentiments qu’offre l’opéra de Claude Debussy. « Des êtres humains comme des plaies béantes, dans lesquelles on répand du sel », comme le fait joliment remarquer Barrie Kosky. « Culpabilité, haine de soi – les traumatismes familiaux sont pour moi des thèmes centraux ».
Dominique Demangeot
Pelléas et Mélisande, Strasbourg, Opéra : ve 19 octobre 20h, di 21 octobre 15h, ma 23 octobre 20h, je 25 octobre 20h, sa 27 octobre 20h
Mulhouse, La Filature : ve 9 novembre 20h, di 11 novembre 15h
http://www.operanationaldurhin.eu/