ENTRETIEN
Salvator
Olivier Latry, l’un des trois organistes titulaires du grand orgue de Notre-Dame de Paris, s’est entretenu avec Stéphane Friédérich, ancien rédacteur en chef du magazine Pianiste. À l’orgue de Notre-Dame nous fait découvrir le métier (la vocation ?) d’un organiste aujourd’hui, prenant pour exemple l’un de ses plus éminents représentants à la fois dans les lieux saints et les salles de concert. Pour évoquer cette carrière entre sacré et profane, l’entretien passe au crible différents aspects du métier d’organiste, de la formation aux concerts, sans oublier l’évolution de l’instrument au fil des siècles.
Olivier Latry, qui est également organiste émérite de l’Orchestre Symphonique de Montréal, revient tout d’abord sur sa formation musicale, depuis les premières années d’études au conservatoire de Saint-Maur. La préférence du jeune musicien se tourne très vite vers l’orgue plutôt que le piano. Auprès de Gaston Litaize, Olivier Latry découvre l’improvisation. Une autre rencontre déterminante est celle d’Olivier Messiaen, dont il enregistrera l’intégrale des œuvres pour orgue en 2002. Olivier Latry se raconte à travers ses succès (nombreux) mais aussi quelques déconvenues comme lorsqu’il échouera deux fois de suite au concours de Chartres, ce qui n’empêchera pas le musicien de mener par la suite une brillante carrière internationale. Exemple encourageant pour les élèves organistes ! Cet entretien est d’ailleurs aussi l’occasion pour Olivier Latry d’évoquer l’enseignement de l’orgue.
« La musique est d’abord une expérience physique et émotionnelle. »
Miraculeusement épargné par l’incendie de Notre-Dame de Paris en avril 2019, l’instrument d’exception conçu par Cavaillé-Coll occupe évidemment une grande part de ces entretiens, les deux hommes revenant sur son histoire et ses sonorités exceptionnelles. Son rapport à la cathédrale est également abordé. On apprend ainsi que Viollet-le-Duc… ne souhaitait pas qu’on remarque trop l’instrument dans sa nouvelle cathédrale gothique ! Stéphane Friédérich souligne d’ailleurs avec à propos que « la présence de l’orgue s’est imposée avec l’intensité d’un être vivant » durant cet entretien mené pour les éditions Salvator. L’avis d’un spécialiste comme Olivier Latry qui s’exprime sur cet instrument versatile, très différent d’une église à l’autre, d’un pays à l’autre, est précieux. « On ne joue donc pas du Messiaen à l’Oude Kerk d’Amsterdam, ou bien du Sweelinck, à Notre-Dame de Paris », remarque-t-il. Le musicien parle également du devenir de l’instrument en tant que patrimoine, à une époque où la pratique religieuse décline partout dans le monde.
Dans la partie de l’interview logiquement appelée « Credo », Olivier Latry évoque en outre sa foi et la dimension spirituelle de sa fonction d’organiste lors de la liturgie. « En vérité, il existe des œuvres mystiques dont l’âme ne se reflète que dans l’écrin d’un lieu saint, loin des regards », confie-t-il. Ce grand improvisateur parle aussi de l’instinct en musique, préférant « de loin, l’esprit à la lettre ». Des réflexions qui ne pourront qu’inspirer les étudiants d’aujourd’hui, d’autant que l’entretien aborde toutes les facettes du métier d’organiste, techniques, historiques et spirituelles. L’ouvrage constitue ainsi une belle porte d’entrée dans l’univers de l’organiste, qui doit avant tout être « orchestrateur, explorateur des couleurs », selon Olivier Latry. Ce dernier publiera le 28 mai prochain Inspirations (La Dolce Volta), pièces de Franz Liszt interprétées sur l’orgue Rieger de la Philharmonie de Paris.
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