ROMAN
Alma
Parution le 19 août 2024
Ça commence aux 408, quartier bisontin dont les tours ont été récemment détruites. Martial Cavatz a grandi dans leur ombre, et publie ces jours-ci son premier roman, autofiction où il revient sur une enfance et une adolescence qui auraient dû, en toute logique, lui faire quitter les bancs de l’école plus tôt que prévu.
Il faut dire que l’auteur n’a pas débuté son existence avec les meilleures cartes en main, entre une famille que l’on appelle aujourd’hui pudiquement « dysfonctionnelle », et un handicap visuel qui l’a mené dans un centre spécialisé. Un peu avant, on l’avait également casé dans un « Centre de diagnostic, de traitement et de réadaptation sociale », autant dire une voie de garage qui n’augure pas d’études longues. Martial Cavatz a fait mentir tout cela et quitté son « enclos » afin de poursuivre des études universitaires. Peu importe que Les caractériels ait tendance à présenter l’ascenseur social comme un doux mirage voire un mensonge, d’une part le parcours de Martial Cavatz contredit cela, et d’autre part le ton du livre est loin d’être misérabiliste, et nous offre même quelques fulgurances : « la honte, ça ne se partage pas et ça ne se divise pas ».
L’auteur a beau n’avoir que trois dixièmes dans chaque œil (avec lunettes), devenu adulte, c’est avec le recul nécessaire qu’il observe cet enfant à qui la société laissait deux choix : négocier le virage ou mal tourner. Il évoque alors « cette force irrépressible qui nous poussait tout le temps à faire une connerie qu’on regrettait aussitôt », sans tenter d’expliquer ou excuser quoi que ce soit. Les courts chapitres se lisent comme on parcourrait des cases de bande dessinée, le décor rapidement planté et l’événement décrit : l’arrivée d’un LIDL ou encore une – unique – sortie au cirque (avec des billets offerts bien évidemment). S’il n’a pas totalement largué les amarres avec son passé et demeure « quelque part, cet enfant assis dans l’herbe », Martial Cavatz se souvient aujourd’hui de quelques rayons de soleil, et sa demi-cécité ne l’empêchait pas de distinguer les « petits arbres aux belles feuilles vertes ». Autre raison d’y croire : la médiathèque Pierre Bayle à Besançon, parenthèse de tranquillité. Il parle aussi, finalement, avec une certaine tendresse de sa mère, et rend indirectement hommage, là encore avec pudeur, à quelques adultes qui ont croisé sa route et ont cru bon de ne pas le laisser sur le bas-côté : : « Croire en moi, c’était jouer à un jeu dangereux ».
Dominique Demangeot
Retrouvez l’auteur lors du prochain festival Livres dans la Boucle du 20 au 22 septembre 2024
Programme complet à venir : livresdanslaboucle.fr
Retrouvez Martial Cavatz à l’édition 2024 de Livres dans la Boucle
