Lons-le-Saunier – Sélène Saint-Aimé au Bœuf sur le Toit

Au milieu de l’automne, le Darius Club devrait se réchauffer quelque peu avec la venue de la contrebassiste Sélène Saint-Aimé. On l’avait découverte en 2020 avec Mare Undarum, premier opus qui lui avait valu une Victoire du Jazz 2021 dans la catégorie Révélation. Sélène Saint-Aimé revenait dans les bacs deux ans plus tard avec Potomitan, situé lui aussi entre deux pôles, jazz et traditions caribéennes.

Photo : Nicolas Derne

Comme pour l’album précédent, et peut-être encore plus sur Potomitan, l’improvisation a été un moteur important dans la création de ces onze titres, et dès les premières mesures les cuivres côtoient les percussions traditionnelles. Sonny Troupé est à nouveau présent pour assurer la rythmique, usant du ka, et l’on trouve aussi Boris Reine-Adelaïde au tambour bèlè martiniquais. De mère franco-ivoirienne et de père martiniquais, Sélène Saint-Aimé mêle donc toujours les différentes cultures qui la composent, comme l’illustre Arawak Uhuru qui évoque la langue des Amérindiens des Antilles. Un morceau qui tire son origine du bèlè, tout à la fois chant, musique de percussions, danse et récit conté. Et si Beliya s’inspire d’un chant martiniquais, la rumba cubaine et le bouladjel (manière de beatboxing guadeloupéen avec bruits de gorge et onomatopées) viennent se greffer sur le morceau pour l’amener encore ailleurs. Les notes côtoient une fois encore la poésie des mots de Sélène Saint-Aimé, nourrie de l’expérience de la jeune artiste sur la terre de ses ancêtres, s’adressant notamment à sa grand-mère paternelle disparue. Citons ici la belle et troublante Mélisande (à mamie Jacqueline) tissée de sonorités plus classiques et européennes. Le violoniste Mathias Lévy et le violoncelliste Guillaume Latil viennent lui prêter main forte sur un thème de Pelléas et Mélisande de Sibélius. The Bird reprend un titre de Charlie Parker pour cette fois des couleurs plus jazz.

À l’instar de son mentor Steve Coleman, Sélène Saint-Aimé inclut dans sa musique des éléments de la diaspora africaine. De Coleman elle reprenait d’ailleurs sur son premier album The Rings Of Neptune, qui n’avait jamais été enregistré. Ses bonnes ondes, Sélène Saint-Aimé les diffuse aussi à travers ses cordes vocales. Que les textes se drapent de langue française ou s’incarnent dans des idiomes mystérieux, nés d’improvisations, ils tiennent toujours une place de choix, à l’image de trois poèmes qu’elle avait glissés entre les titres de Mare Undarum, évoquant l’éclipse totale du 21 janvier 2019. Ces « collages d’humeurs » suivaient les trois phases de la lune. Et puisque « [j]amais l’élan ne fait marche arrière, si l’ocre brun a déjà chassé l’or », Sélène nous susurre à l’oreille que la musique est en perpétuelle évolution, à l’image des différentes phases de la lune. Dont acte. Un élan qui a incité la jeune femme de vingt ans à suivre Steve Coleman aux États-Unis. Elle y croise le contrebassiste Ron Carter, et découvre le jazz new-yorkais, bouillonnant magma en constante transformation. Elle en a rapporté de belles étincelles !

– Dominique Demangeot –

Sélène Saint-Aimé, Lons-le-Saunier, Le Boeuf sur le toit (Darius Club), 20 octobre à 18h30
leboeufsurletoit.fr

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