Julien Dufresne-Lamy – Mon père, ma mère, mes tremblements de terre

ROMAN

Belfond

Sortie le 20 août 2020

Critique roman Mon père, ma mère, mes tremblements de terre

Charlie, dans une salle d’attente d’hôpital, se remémore ces deux dernières années qui ont été pour lui un véritablement séisme, alors que son père subit la lourde opération qui fera entrer son corps dans le monde féminin (son esprit lui, s’y trouve depuis la naissance). Le titre du roman ne nous dit d’ailleurs pas autre chose. Lorsque le père fait à son épouse et son fils la fameuse annonce (« Je suis une femme. A l’intérieur, une vraie »), c’est un long processus qui débute, moins pour le père qui lui, est né femme dans un corps d’homme, que pour sa famille.

Les romans qui évoquent la sphère familiale, la littérature n’en manque pas. Ces dernières années les arts, et les livres et les séries en particulier, traitent de plus en plus de la question du genre. Julien Dufresne-Lamy dépeint dans les moindres détails ce qui semble constituer un deuil pour l’adolescent qu’est Charlie, et si le changement de sexe sonne comme une renaissance pour le père, c’est aussi dans un premier temps une perte pour le fils. Charlie et son paternel sont pourtant deux esprits plutôt scientifiques et pragmatiques, et le narrateur nous détaille d’ailleurs toutes les étapes par lesquelles passe ce « grand corps en travaux ».

D’une jolie plume, et sans pathos aucun, l’auteur poursuit son exploration de la transidentité. L’humour pointe aussi parfois, et dédramatise la situation. Le roman précédent de Julien Dufresne-Lamy, Jolis jolis monstres, nous transportait dans l’univers des drag-queens à New York, entre les années 80 et aujourd’hui. Ici pourtant l’angle est radicalement différent, preuve que ce sujet complexe est loin d’avoir été épuisé, et que les profils de la transidentité sont extrêmement divers. Dans Mon père, ma mère, mes tremblements de terre, c’est à travers le regard de Charlie que l’on suit le changement de sexe du père. Julien Dufresnes-Lamy dépeint cette mue d’une langue remarquable, qui nous porte au plus près de l’expérience du fils, à l’image de cette scène forte où Charlie encore enfant surprend son père avec des habits féminins, « cette perruque éparpillée juste là, subitement grise, comme une grande flaque très sale où nagent des têtards ». Quant à la sacro-sainte « norme », elle en prend pour son grade dans ce roman qui incite à davantage de tolérance, tout en démontrant avec brio que l’on ne devient pas homme ou femme. On le redevient.

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