ROMAN JEUNESSE, dès 8 ans
Gallimard Jeunesse
On le dit « Haut comme deux chevaux. Des boules de feu étincelantes à la place des yeux ». L’Ickabog terrifie le royaume de Cornucopia dont les habitants n’ont pourtant pas à se plaindre. Son souverain y est bon avec son peuple et ce dernier le lui rend bien. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où tout déraille, lorsqu’un membre de l’armée du roi est retrouvé mort dans les sombres marécages au nord du royaume. L’Ickabog aurait-il à nouveau frappé ?
Ce roman pour la jeunesse de JK Rowling a vu le jour sous forme d’épisodes quotidiens cet été. La célèbre autrice de la série Harry Potter avait décidé de mettre en ligne un conte inédit sur son site web, dans plusieurs langues et adapté d’une histoire qu’elle avait imaginée pour ses filles lorsque celles-ci étaient encore enfants. En fin d’ouvrage, on retrouve d’ailleurs les dessins que les enfants de 7 à 12 ans étaient invités à produire en lien avec L’Ickabog. Dans ce roman, dont l’ensemble des droits sera reversé à des associations venant en aide aux victimes du Covid-19, nulle magie, pas de formules en latin ou de balais volant dans les airs… C’est même à se demander si le monstre qui donne son nom à l’ouvrage existe vraiment… Il faut dire que le dernier roman en date de JK Rowling est bien plus subtil qu’il n’en a l’air. On y parle certes d’une créature aux griffes acérées comme des lames, mais le livre pourra passer sans problème par deux niveaux de lecture. Conte gentiment effrayant pour les enfants avec son lots de scènes sanglantes et de rebondissements, mais aussi récit sur le pouvoir, ses petits mensonges et ses grandes manipulations.
Car il faut dire qu’il a l’air bien gentil, mais aussi bien naïf (voire franchement stupide), le roi Fred Sans Effroi, qui se laisse manipuler par Crachinay et Flapoon, deux lords exerçant sur lui une influence néfaste (surtout pour son peuple). L’Ickabog est empreint d’une certaine noirceur, de celle que l’on pouvait trouver dans les aventures d’Harry Potter à Poudlard. La mort rôde souvent, les intrigues se multiplient. S’il est vrai qu’elles sont exquises, ces douceurs préparées par la pâtissière du roi Bertha Beamish, il apparaît bien vite que tout n’est pas si rose à Cornucopia. Il y a les habitants du nord, sur les terres des Marécages, aussi « décharnés et loqueteux » que les citoyens de Chouxville sont en bonne santé et bien nourris. C’est d’ailleurs dans ces sombres marécages que se tapit, dit-on, l’Ickabog, pour dévorer enfants et moutons.
Méfions-nous cependant des apparences. Si l’autrice se défend d’un quelconque message caché, c’est bien le propre des œuvres littéraires que de nous faire réfléchir. Dans ce conte que l’on peut qualifier de politique, les complots des deux lords pour maquiller un accident et profiter des largesses du roi, agissent comme un miroir grossissant des dérives du pouvoir. La classe dirigeante invente ses propres récits, exploite le ressort de la peur, espionne les citoyens… Et comme dans Harry Potter et les contes en général, c’est encore une fois à de jeunes personnages que reviendra la lourde tâche de s’attaquer aux deux lords machiavéliques. Quant au mystère de l’Ickabog, on vous laisse le percer vous-même en lisant le livre !