ROMAN
L’Iconoclaste
Parution le 17 août 2023
Retiré dans un monastère, Michelangelo Vitaliani est un vieil homme qui n’en a plus pour longtemps. En 1986, celui qui a vu naître le cinéma revient sur son existence trépidante, depuis son apprentissage chez un sculpteur jusqu’à la gloire… avant sa chute et une disparition mystérieuse en 1948. Il repense aussi à l’amour de sa vie, Viola Orsini, jeune héritière d’une famille d’aristocrates génois éprise de liberté.
Rien ne destinait le jeune Mimo, issu d’un milieu pauvre, souffrant d’un handicap de taille, et Viola, promise à un brillant avenir, à se rencontrer et moins encore à s’aimer. Jean-Baptiste Andrea situe son quatrième roman dans l’Italie de l’entre-deux-guerres, un entre-deux-mondes, « le chaos derrière l’ordre apparent, le nouveau monde qui grondait », se souvient celui dont la gloire égala un temps celle de Michel-Ange. Sur fond de montée du fascisme en Italie, le romancier nous offre, dans la lignée de son précédent ouvrage Des diables et des saints, une histoire d’amour défiant le temps et les barrières sociales.
Veiller sur elle est également le récit de deux émancipations, celles de Mimo, qui passe outre son handicap pour devenir l’un des plus brillants sculpteurs de pierre du XXe siècle, et de Viola qui n’accepte pas sa condition de femme dans un siècle étouffant encore sous les conventions, où l’on envoie en maisons de repos les filles et les épouses soi-disant frappées de « maladies spirituelles ». Alors que les chemises noires de Mussolini appellent de leurs vœux un homme nouveau, Viola va prouver, quitte à prendre tous les risques, qu’elle est bel et bien « une femme debout ». Avec Veiller sur elle, Jean-Baptiste Andrea renoue avec les amitiés de l’enfance et le souffle des grands romans, généreux en rebondissements, en bruit et en fureur. L’auteur nous interroge aussi sur les implications du progrès face au poids des traditions, dans une Italie en plein futurisme qui rejeta, au début du XXe siècle, l’académisme au profit du monde moderne. La chronique d’un monde en surchauffe, à l’image de l’existence de son petit héros, « [t]raversée d’art, de capitales, de musique, de fulgurante beauté ».
– Dominique Demangeot –