Rough Trade/Wagram
DISCO POP
Pour son nouveau projet en groupe, à paraître le 17 juillet, le plus dandy des chanteurs britanniques nous embarque dans une virée disco pop. Œuvrant au sein de cette nouvelle formation baptisée JARV IS…, le leader de Pulp propose Beyond The Pale, album qui doit beaucoup aux premiers pas du groupe effectués en concerts.
Nouveau jalon dans la carrière déjà prolifique de Cocker (qui s’adonne désormais à quelques périlleux crowd-surfings durant les concerts, fais gaffe quand même Jarvis), Beyond The Pale se rapproche esthétiquement de la période Separations de Pulp, avec une attirance pour les couleurs synthétiques, les ambiances nocturnes et dansantes, mais en plus expérimental. Formé en 2017 à l’occasion d’un concert au festival de Sigur Ros, Norður og Niður, JARV IS… s’est ensuite fait les dents lors d’une petite tournée (évidemment à guichet plus que fermé) au Royaume-Uni en 2018, avant de partir pour les USA. Le groupe a profité de ces tours de chant en comités restreints pour s’enregistrer et voir ce que cela donnait. Les bases de Must I Evolve ?, sorti en single l’an dernier, et Sometimes I am Pharaoh ont même été enregistrées dans un pub du Derbyshire (le Peak Cavern si vous souhaitez aller y descendre une Guinness ou deux un de ces soirs). Les arrangements de Am I Missing Something ?, vieux titre qui traînait dans les tiroirs de Jason Buckle (synthés dans JARV IS…) depuis sept ans, seront finalisés à l’occasion de concerts américains. L’idée d’utiliser les enregistrements live comme bases pour l’album a été alors suggérée par Geoff Barrow, membre de Portishead. Le projet de Beyond The Pale était né !
Save The Whale se présente à nous sur un beat liquide, agémenté de nappes de cordes. « I like it dark », susurre Jarvis dont le timbre en papier de verre s’aventure sur les terres d’une comptine sombre. Sur Must I Evolve ? le chanteur se demande, à 56 ans passés, s’il doit encore évoluer ou retourner à l’âge de pierre, tandis que ses comparses lui répondent en chœur, le morceau s’engageant bientôt sur une voie plus rock. Am I Missing Something ? reste dans cette veine synthétique, avec ses harmonies pop. Dans la dernière partie du morceau, on repense même aux hymnes Disco 2000 et Common People, les guitares en moins. Le single House Music All Night Long sent bon les dancefloors bondés (dans le monde d’avant), même si le propos évoque davantage un sentiment de solitude, le narrateur restant chez lui à se morfondre, tandis que l’être aimé se déhanche sur de la house dans une boîte de nuit. La basse carrée de Children Of The Echo est la colonne vertébrale d’un morceau qui s’égaie et prend des allures psychédéliques.
Seul Swanky Modes s’éloigne des couleurs électroniques, les parties de piano (par le compositeur new-yorkais Jason Domnarski) et de basse (Jarvis Cocker) ayant été enregistrées en 2015 à Paris, titre uniquement interprété en live ces dernières années. Quelques nappes de cordes et une basse batterie ont été ajoutés en post production pour aboutir à ce morceau éthéré. On retrouve cette technique du cut dans les textes de Jarvis Cocker, naviguant entre culture pop et surréalisme, s’inspirant de souvenirs (à l’image de cette rave décrite dans Must I Evolve?), de lectures (Carl Jung, Alan Watts), ou encore de conversations. L’objectif était ambitieux et faisait figure d’expérience : composer et enregistrer un disque devant le public. Mission accomplie.