THRILLER
Au diable vauvert
Parution le 13 mars 2025
Pour le député Ritchie Gulliver, ça commence sur une chaise, en boxer, dans un entrepôt. Ça va se terminer très mal pour lui. La section des Crimes graves de la police d’Édimbourg est une nouvelle fois sur le qui-vive avec des assassinats ou tentatives d’assassinats sur des personnes de la haute société.
Récemment sorti de désintox, Lennox va devoir mettre les bouchées doubles pour tenter d’interpeller deux tueurs aux méthodes particulièrement barbares. Le policier est apparu pour la première fois à l’aube des années 2000 dans le roman Une ordure aux côtés du brigadier Bruce Robertson (et son inoubliable ténia bavard). Il a ensuite tenu le premier rôle dans Crime en 2008. Irvine Welsh nous offre enfin une suite aux aventures du policier bourru. Quand il n’est pas en train d’écluser des pintes dans des rades enfumés ou de courir après des émasculateurs zélés, Lennox apporte des oranges au Confiseur, alias le sordide Gareth Horsburgh, serial killer qui est loin d’avoir tout avoué de ses crimes. Ce dernier aide l’inspecteur à reconstituer les pièces du puzzle sanglant qu’il a laissées derrière lui.
Ray Lennox va aussi former un improbable duo avec son alter ego londonien, l’inspecteur Mark Hollis, pour tenter de retrouver les faiseurs d’eunuques. Cet homonyme du chanteur du groupe Talk Talk partage aussi de nombreuses similarités avec Lennox, notamment un goût immodéré pour la bagarre, l’alcool et la poudreuse. Ces deux-là vont vite s’entendre comme larrons en foire. Il faut dire qu’ils ont du pain sur la planche avec le meurtre du député Gulliver dont on essaie d’effacer les tendances sordides en haut-lieu. “Les plus gros dégénérés sont au sommet du pouvoir”, lance Lennox à Toal, son supérieur. La ligne entre le bien et le mal est parfois mal tracée.
Dans ce thriller paru en 2022, où l’Écossais est parfaitement retranscrit à la sauce Molière par Diniz Galhos, l’humour noir côtoie quelques scènes particulièrement riches en hémoglobine et en cruauté. Les bons mots de Lennox et ses collègues apportent des respirations bienvenues. On aime aussi la fibre sociale de l’écriture d’Irvine Welsh, qui aborde les abus sexuels, mais également ici la question des minorités de genres, encore peu traitée dans un contexte de polar. Ray Lennox se débat aussi avec ses propres diables et on le suit avec plaisir d’Édimbourg à Londres dans cette descente en eaux troubles (jusque dans un puits sans fonds, au propre comme au figuré). Reste à savoir si le flic écossais parviendra à se secouer suffisamment les puces pour remonter à la surface.
Jean-Bernard