Article publié à l’origine dans l’édition de mai 2018 du journal Diversions – consulter le PDF ici –
Le Musée de la Montagne, basé à Château-Lambert en Haute-Saône, poursuit son exposition en lien avec le monde paysan jusqu’au 30 novembre prochain. Sommes-nous tous paysans ? s’intéresse ainsi à l’histoire du monde agricole dans les Vosges du Sud, terre de traditions qui doit aussi faire face à une nécessaire adaptation au monde moderne.
L’exposition a été montée suite à une enquête ethnologique menée à l’hiver 2016 par l’Ethnopôle Réinventons les musées populaires. Une cinquantaine d’acteurs du monde rural ont été consultés, agriculteurs en activité ou en retraite, représentants de collectivités, techniciens en charge de questions agricoles et touristiques. Albert Demard, qui a fondé avec son épouse Félicie le Musée de la Montagne en 1977, connaissait bien le monde paysan, tour à tour commis de ferme, berger, ouvrier agricole, ouvrier tanneur, jardinier et paysan. La ferme de Château-Lambert recèle de nombreux objets spécifiques aux Vosges du Sud, présentant les métiers de la forêt et la vie du paysan mineur au XIXe siècle. L’exposition temporaire part de cette base pour élargir la réflexion, et s’interroger sur l’évolution actuelle du monde paysan et des paysages.
Plusieurs thématiques sont traitées dans l’exposition, de la vie sur l’exploitation à la culture de la terre. Face à l’évolution du monde et des marchés, de nouveaux défis se posent également aux agriculteurs. Dans les Vosges du Sud, les paysans ont cependant l’habitude d’exercer plusieurs activités pour palier aux sols difficilement cultivables. Forestiers, mineurs, ils ont appris à diversifier leurs activités depuis plusieurs siècles. L’exposition met également en lumière les actions menées par le Département de la Haute-Saône et le Parc naturel régional des Ballons des Vosges en matière de développement agricole, à l’image des circuits-courts de commercialisation pour la restauration collective – Agrilocal 70 – ou encore l’intégration paysagère des bâtiments. Sont également évoqués gestion des effluents d’élevage, programmes de réouverture de paysages et l’aide sociale apportée aux exploitants en difficulté.
Les différentes sections du Musée de la Montagne sont mises à profit dans l’ancienne ferme, à l’image de la cuisine, « de manière à interroger les mangeurs-consommateurs que nous sommes tous à propos de notre relation à l’agriculture comme activité de production de nourriture », souligne Aurélie Dumain, ethnologue de l’Ethnopôle Réinventons les musées populaires. Un lien fort avec le terroir, et une thématique de la nourriture qui pose aussi les questions de la traçabilité des produits, et s’inscrit dans une réflexion plus globale sur l’économie agricole. Les problématiques soulevées sont donc à la fois sociales, économiques et environnementales.
L’exposition à découvrir au Musée de la Montagne évoque également la vie à la ferme, les veillées, moment important de la vie familiale, un lien social qui s’est délité au fil du temps, les jeunes générations partant peu à peu à la ville pour travailler dans les usines. La relation entre l’homme et l’animal est également traitée, en évoquant notamment la valeur de la vache qui assurait la santé économique de la famille, ainsi que le lien avec la terre elle-même. « Si la modernisation agricole nous a laissé penser que l’on pouvait s’affranchir des contraintes du sol et cultiver « partout la même chose », ici et peut-être plus qu’ailleurs la terre se rappelle à nous comme élément complexe, à la fois en tant que : terrain géographique, sol biologique et foncier socio-économique », explique Aurélie Dumain. Le terrain de moyenne montagne des Vosges du Sud est aussi abordé, ainsi que la composition géologique et biologique du sol, terrain peu adapté à la culture qu’il faut donc exploiter au mieux. Là encore une réflexion est nécessaire sur la manière de cultiver le sol. De nombreuses questions surgissent alors, et notamment celle, épineuse, d’un meilleur rapport entre la viabilité économique d’une exploitation et la nécessité de préserver l’environnement.
– Dominique Demangeot –
Sommes-nous tous paysans ?, Musée de la Montagne, Haut-du-Them-Château-Lambert, du 1er avril au 30 novembre 2018
http://musees.haute-saone.fr