Paule et Paule
Sortie le 29 janvier 2021
La Belfortaine nous avait pour tout dire surpris, et même enchantés, avec son premier EP, Oiseau, paru en 2016. Son talent a fait le reste : repérée par La Souterraine et les Inrocks Lab, ouvrant pour des artistes aussi divers qu’Alex Beaupain, La Féline, Vincent Delerm et Malik Djoudi, elle nous avait livré un premier travail studio qui résonnait déjà des bruits de la nature, une tendance que l’on retrouve fortement sur le premier LP à paraître en ce début d’année.
Sur Caillou, on ne s’étonnera donc pas que les premières notes entendues proviennent d’oiseaux et d’un orage au loin, juste avant que ne se glissent jusqu’à nos oreilles les premières nappes du clavier de Gisèle Pape, son instrument fétiche que l’on retrouve tout au long de l’album. Si elle a étudié l’orgue liturgique au Conservatoire de Belfort, l’artiste a adopté des instruments plus modernes pour ses chansons, elle qui a l’habitude de se produire sur scène armée d’un synthé et d’une guitare (que l’on retrouve aussi sur ce nouvel opus). Sur Caillou, on croise des lucioles, des oies sauvages et un serpent lune (ou coronelle, on apprend des mots !), on traverse des plaines et l’on redécouvre l’univers de Gisèle, à la fois organique (guitare acoustique, travail des voix) et futuriste. La musicienne n’hésite pas à recourir aux programmations, et passer par des filtres synthétiques comme sur Bulle pour matérialiser son message et apporter un relief supplémentaire à ses chansons.
La problématique environnementale est une thématique phare de l’album, à l’instar de l’évocation hypnotique et oppressante de la catastrophe de Tchernobyl (Soleil Blanc). Un morceau qui prend parfois des allures de requiem avec ce discret et grave ostinato (synthétique) sous-tendant le morceau. Requiem pour une nature que l’on maltraite (« Ils enterraient nos forêts, nos arbres »). Gisèle « retien[t] l’écho dans le creux de [s]a main », sample et arrange sa propre voix, qu’elle démultiplie parfois comme sur Peau Fine. Produisant elle-même ce premier album (de l’artisanat au sens noble du terme), elle a cependant bénéficié du regard extérieur de Xavier Thiry (Fishbach, La Féline) pour aller vers des couleurs plus pop, creusant également davantage les tempi. « J’ai eu envie de plus de basse, plus de rythmique », confie l’artiste qui propose notamment Les Nageuses, au rythme plus nerveux, et A L’Abri Dans La Plaine sous-tendu par une basse synthétique. Des envies de pesanteur qui n’ont pourtant pas dissipé les brumes éthérées et les mélodies aériennes. Caillou se situe dans cet agréable entre-deux.