La soirée du 27 février à la Rodia se déroulait dans le cadre du GéNéRiQ Festival. L’occasion d’aller découvrir la nouvelle tournée d’Abd Al Malik, et son virage scénique, brut, expérimental, et plutôt audacieux.
Un public de jeunes fans et de quelques curieux ont investi la grande salle de La Rodia, afin de se laisser envoûter par la première partie de soirée. Sur scène, une luxuriante jungle musicale a fait exploser les couleurs et les rythmes empreints de la culture de Korsou (Curaçao). Le groupe Kuenta i Tambu s’est constitué il y a une dizaine d’années à Amsterdam. Cependant, leur musique ne le dit pas, si ce n’est peut-être dans l’apport électro. La musique électronique offrait des teintes assorties à l’ambiance sauvage et traditionnelle du tambu. Comme souvent dans les musiques afro-caribéennes, le tambu est à la fois un instrument et une danse. C’est d’ailleurs de manière spontanée que de jeunes personnes présentes dans la salle de La Rodia ont pris le pas…
À ce premier groupe a succédé la bande à José Shungu, Green Shop. Les rappeurs bisontins ont livré un spectacle fidèle à leur sens du groove, les mots toujours bien placés par une voix dynamique, sans inonder l’orchestration. Le groupe entraîne son public à suivre le tempo de la tête. Sur un flow enjoué, José fait sautiller ses lyrics soutenus par un ensemble funky beat ou des accords jazzy. L’ensemble n’était pas sans rappeler l’authentique rap de papa.
C’est droit sur ses deux pieds, fixe, que le rappeur Abd Al Malik a entamé son concert. Il était l’ombre chinoise de trois écrans. Il aura passé tout le concert en avatar vivant, fondu en trompe l’oeil dans des vidéos cybernétiques et minimalistes. Ce jeu irréel et captivant jusqu’en profondeur de l’image, était viscéral comme sa musique du moment. Il faut dire qu’après s’être posé et rangé derrière les beaux mots, Abd Al Malik paraît désormais sûr et déterminé au-delà du slam. Le p’tit caïd du Neuhof (quartier de Strasbourg) durcit le ton et le son. Surprenant et adressé aux oreilles avertis, le concert a pris une tangente techno-électro hip-hop. Il commençait fort, avec une instrumentation binaire sur une version remaniée de Soldat de plomb, qui martelait avec insistance. Même le célèbre Gibraltar joué vers la fin du set est passé dans la machine. En sa métamorphose artistique, Abd Al Malik avait le geste vif. Plus tard un MC l’a rejoint. Ainsi son rap a pris du corps. La frontière visible entre le slam et le rap a été franchie sur cette tournée. Mais Abd Al Malik a toutefois entrepris deux morceaux slammés, accompagné d’une douce musique de piano, afin peut-être de ne pas oublier d’où il vient.
Fred Dassonville