ENVIRONNEMENT
Delachaux & Niestlé
Prendre connaissance en début d’ouvrage de 68 initiatives éco-responsables identifiées sur une carte de France a quelque chose de rassurant. Entre le sévère manque de tact de certains élus « écologistes » arrivés récemment aux affaires, et les outrages commis envers l’environnement depuis une bonne cinquantaine d’années, difficile pour le citoyen lambda de ne pas culpabiliser et d’identifier les bonnes méthodes pour devenir «éco »-citoyen. Alors plutôt que de brasser du vent telle une éolienne, Frédéric Denhez est allé sur le terrain recueillir des témoignages, présentant, dans le détail, des initiatives réellement écologiques.
Si l’on constate depuis quelques années une prise de conscience autour des enjeux environnementaux, il apparait que la structure étatique n’est pas toujours en mesure de réagir rapidement face à l’urgence, la faute à la lourdeur administrative et aux divers lobbies industriels, agricoles, touristiques qui comptent bien défendre leurs prés carrés. Alors Rencontres avec des écolos remarquables nous emmène vers ce que l’auteur nomme « la France tangible ». Et ce que l’État ne peut, ou ne veut faire, le local l’accomplit dans divers domaines : exploitation du bois-énergie en Auvergne, entretien des bocages bretons, mise à profit du fleuve pour les transports de marchandises à Strasbourg, entre autres idées lumineuses.
« C’est la carte qu’il faudrait modifier, autant que nos territoires mentaux, mais c’est devenu difficile. Tout de même, des gens, par ce qu’ils disent ou font, sans rien changer au présent, montrent ce que pourrait être le futur. »
Ces initiatives discrètes mais rondement menées au niveau local, on a envie de les comparer avec nos sols, auxquels on ne s’intéresse guère alors qu’ils constituent la « clé de voûte de notre adaptation aux changements de notre environnement » comme l’explique l’auteur. On surnomme d’ailleurs « chevelu » ce réseau de micro-ruisseaux se rassemblant pour former les rivières, peu visibles mais riches en matière de biodiversité. L’écologie se heurte parfois à des quadratures du cercle comme lorsqu’il s’agit pour des élus de faire accepter les parcs éoliens à ses administrés, sujet ô combien clivant. La pédagogie semble d’autant plus nécessaire que les problématiques sont complexes, et la médiation scientifique cruciale, comme l’illustre l’initiative de Sophie Raous qui prouve, avec son projet « Sol contre tous » que la prise de conscience passe parfois par un méticuleux travail d’information.
Dans une société mondialisée, difficile de déterminer comment nos actions personnelles peuvent porter leurs fruits plus loin, ménager des passerelles entre le local et le global. La célèbre théorie du battement d’aile de papillon… a du plomb dans l’aile. En valorisant des initiatives en ruralité comme dans les grandes métropoles (il n’est pas dans une opposition systématique à l’administration), Frédéric Denhez nous rassure quelque peu. Oui, l’agriculture peut être douce si elle s’en donne la peine. L’encombrement du réseau de transports marseillais n’est pas une fatalité. Les choses avancent parfois dans le bon sens, même si le bruit engendré par les médias et leur « prisme déformant » peut s’avérer anxiogène. Quelquefois, des collaborations toutes simples peuvent simplifier la vie (lisez donc « La poule et la noisette » racontée comme une fable), et dans un monde où la modernité semble le Graal ultime, il n’est pas inutile de réapprendre des savoir-faire très anciens, balayés par les « Trente Glorieuses ». Rencontres avec des écolos remarquables appelle à « une nouvelle façon de faire de la politique », car l’environnement est une cause trop sérieuse pour la laisser entre les mains des partis.
Dominique Demangeot