BIOGRAPHIE
Folio Poche
Parution le 4 octobre 2024
Joseph Kessel est l’incarnation de l’écrivain aventurier, grand baroudeur devant l’éternel. Maurice Druon lui, ne se sent jamais mieux que sous les ors de la République. Il sera ministre des Affaires culturelles sous Pompidou. Ces deux grandes figures des lettres françaises ont pourtant en commun leur sang, Joseph étant l’oncle de Maurice, mais aussi un passé de résistants. Dominique Bona retrace leurs parcours, et nous les présente alors qu’ils quittent la France occupée pour aller rejoindre les Forces françaises libres à Londres.
Écrire sur Kessel et Druon, c’est nécessairement donner à la biographie des allures de roman d’aventure… Ils sont notamment restés célèbres pour avoir créé Le Chant des Partisans (sur une mélodie d’Anna Marly) qui deviendra l’hymne des Résistants. Si leurs carrières respectives comptent bien d’autres réussites (romans d’aventure et articles de presse internationaux pour Kessel, saga des Rois maudits entre autres publications pour Druon), la Résistance est une période clé pour les deux auteurs. L’Histoire teste les hommes et eux ont remporté la manche haut la main. On les suit dans leurs activités de résistants, dans une capitale anglaise en ruines mais pleine d’un flegme tout britannique, parfois même festive. Kessel témoigne dans ses articles de l’avancée des combats depuis Londres, rédigeant également ses chroniques en direct de la Seconde guerre mondiale, L’Armée des ombres (1943). Druon lui, sévit sur Radio Londres.
Le talent de Dominique Bona n’est plus à prouver, redonnant vie aux deux écrivains le temps d’un livre, deux artistes majeurs d’un XXe siècle qui parait déjà si loin, vibrant chacun d’une force créatrice, accompagnée d’une certaine mesure en toutes choses pour Druon, d’une démesure devenue légendaire pour Kessel. Comme dans la plupart de ses biographies, l’académicienne n’oublie pas les femmes, et on sent en particulier une véritable empathie pour Germaine Sablon, que les récits de guerre ont quelque peu oubliée. Elle lui fait honneur en dépeignant son activité d’infirmière, prenant tous les risques, notamment lors de la sanglante campagne d’Italie. Au sujet des Grandes familles qu’écrira Druon (Goncourt 1948), Dominique Bona note : « un vrai talent à peindre le cœur des femmes dans ses tours et détours. Les femmes, chez Kessel, sont toujours des caricatures : soit anges, soit démons. » Chez Dominique Bona, lorsqu’elle évoque les grands artistes hommes du XXe siècle, les femmes ne sont jamais loin, à l’image d’Edmonde Charles-Roux, qui assistera Druon sur l’écriture de sa saga Les Rois maudits, infirmière ambulancière durant la guerre elle aussi, femme libre dans la société toujours patriarcale des années 1960. De quoi contrebalancer « l’amitié virile, valeur numéro un du monde selon Kessel » !
Dominique Demangeot