Article publié à l’origine dans l’édition d’avril 2018 du journal Diversions – consulter le PDF ici –
Étienne Bossut est très présent en ce moment en Franche-Comté. En février, Diversions vous présentait un premier volet bisontin pour découvrir ou redécouvrir l’artiste, avec trois pièces exposées au rez-de-chaussée du Frac Franche-Comté. Remake se poursuit depuis le 9 mars dernier au Musée des beaux-arts de Dole, l’artiste investissant cette fois tous les niveaux du musée.
La directrice du musée dolois, Amélie Lavin, a invité le sculpteur né à Saint-Étienne à venir présenter ses pièces dans la cité jurassienne. Étienne Bossut place l’objet du quotidien au cœur de son travail, reproduisant, à partir de moulages en résine, mobilier, ustensiles de cuisine, armement, matelas pneumatiques… et jusqu’à des voitures, à l’image de la Porsche que l’on peut admirer à la Cité des Arts de Besançon. Si la voiture, entièrement reproduite en polyester, roule vraiment, l’artiste en a crevé les pneus, pour bien signifier son statut d’œuvre d’art, plutôt que d’objet utilitaire. Depuis quarante ans, Étienne Bossut projette des objets dans le monde de l’art en les reproduisant. On pense évidemment à Duchamp et ses ready-made, à cette différence qu’ici les objets sont reproduits par le geste de l’artiste-artisan. Étienne laisse d’ailleurs la plupart du temps les traces de la confection sur ses moulages, pour signaler justement ce geste, des traces qui « ramènent les questions de l’original et du bricolage dans un processus de production en série », souligne Amélie Lavin.
On trouve donc aussi dans ce travail des références évidentes au pop art de Warhol, dans cette volonté de proposer des séries d’un même objet. Ses moulages, Étienne les fait siens en appliquant ses propres couleurs. « Un jour j’ai eu l’idée, en moulant un vieux fauteuil club, de le réaliser en polyester rouge vif », nous explique-t-il. « Là j’ai réalisé que je tenais quelque chose de merveilleux, c’est-à-dire de basculer d’un côté œuvre d’art à quelque chose de fonctionnel ». Ce côté ambigu, entre ce qui serait de l’art et ce qui ne le serait pas, traverse comme un clin d’œil toute l’œuvre d’Étienne Bossut. C’est ce décalage, ce surgissement souvent incongru du quotidien dans un musée, qui crée aussi l’intérêt de l’exposition Remake.
La rétrospective doloise nous présente des pièces anciennes issues de collections publiques et privées, mais aussi de plus récentes. L’artiste a préféré à la présentation chronologique un accrochage en lien étroit avec le lieu. « Le musée étant installé dans un ancien pavillon d’officiers datant du XVIIIe siècle », fait remarquer Amélie Lavin, « il garde de son ancienne destination une échelle presque « domestique », avec ses longs couloirs et ses salles compartimentées comme des chambres ou de petits appartements ». Ainsi Mon Fauteuil, son premier moulage datant de 1976, se retrouve au premier étage parmi les tableaux. Parallèlement aux titres qui font référence au monde de l’art, qu’il s’agisse des arts plastiques, du cinéma entre autres domaines, les pièces d’Étienne Bossut prennent également d’autres sens selon les endroits où elles sont exposées. Le décalage joue parfois à plein, comme lorsque l’artiste installait ses 101 skis colorés au sein d’une chapelle en 1995 – une installation que l’on retrouve à Dole -, ou quand il jette des carcasses de voiture Coccinelle grandeur nature dans des salles de musée, en les ayant préalablement criblées de trous… Le musée des beaux-arts de Dole donne à voir toute la diversité de l’œuvre d’Étienne Bossut, « une exploration des possibles de la sculpture depuis le début du XXe siècle », dit encore Amélie Lavin.
– Dominique Demangeot –
Remake, Musée des beaux-arts de Dole, du 9 mars au 3 juin – www.sortiradole.fr
À voir également Remake au Frac Franche-Comté, Cité des Arts, Besançon, jusqu’au 20 mai