Tamara Al Saadi, artiste associée au Théâtre Dijon Bourgogne, met les dernières touches, lors d’une résidence, à sa nouvelle pièce que l’on pourra découvrir du 16 au 24 janvier au Parvis Saint-Jean, à la croisée du mythe, du théâtre documentaire et des sciences sociales.
« Taire, c’est la réécriture d’Antigone, une adolescente à qui l’on a confisqué l’enfance et la jeunesse, qui est écrasée par des mensonges familiaux et un monde qu’on lui offre qui résonne étrangement avec le nôtre », expliquait Tamara Al Saadi en décembre dernier, lors d’une rencontre avec professeurs de lycées et artistes intervenants. Taire sera en effet la pièce autour de laquelle s’articuleront les prochaines Lycéades 21 du 21 au 24 janvier prochains, quatre jours intensifs d’ateliers en compagnie d’élèves d’options Théâtre de lycées bourguignons. Il faut dire que la thématique de Taire entretient un lien fort avec l’adolescence. Tamara Al Saadi a conçu une dramaturgie mêlant d’une part le mythe d’Antigone, d’autre part le parcours d’une adolescente d’aujourd’hui, Eden, placée par l’Aide Sociale à l’Enfance. Cette réécriture de la pièce de Sophocle veut redonner voix au chapitre aux deux adolescentes, des voix « souvent confisquées par les adultes », comme le dit encore la metteuse en scène. Des enfants et des adolescents placés que l’on invisibilise, considérés souvent comme « des encombrants », au sein d’une Aide Sociale à l’Enfance où les dysfonctionnements sont nombreux. La pièce, à voir à partir de 14 ans, cherche un chemin pour contrecarrer l’impuissance et une quête de sens, qui est autant celle d’Antigone que d’Eden.
Pour donner corps à ce double voyage entre mythe et réalité, pas moins de douze interprètes se retrouvent sur scène pour constituer un chœur dans un décor épuré, accompagnés d’une bruiteuse, d’un musicien et d’un chanteur, une création à vue déjà employée par Tamara Al Saadi par le passé. Avec ses nombreuses références à la culture populaire, Taire veut aussi s’ancrer dans l’époque actuelle. Pour écrire son texte, Tamara Al Saadi a mené des entretiens auprès d’enfants placés (ou de personnes qui l’ont été), de professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance et de jeunes en milieu hospitalier. « Lors d’interventions artistiques en milieu scolaire, j’ai pu constater qu’il s’agissait d’un personnage auquel les jeunes s’attachent encore beaucoup », observe-t-elle à propos d’Antigone. « Que représente-t-elle pour elles et eux ? Quels sont les ressorts d’identification ? » Dans les deux cas, il s’agit d’histoires de révoltes, celle d’Antigone, fille d’Œdipe, dont les deux frères se sont entretués. Elle va à l’encontre de la volonté du roi Créon et enterre l’un de ses frères, quitte à finir emmurée vivante. « Depuis Sophocle, cette critique du pouvoir tyrannique va de pair avec une critique du système patriarcal et des rôles de genre », constate Tamara Al Saadi. « Avec d’autres héroïnes tragiques, Antigone refuse de s’accommoder du rôle qu’on lui assigne en tant que femme : celui de se taire et d’obéir. »
Dominique Demangeot
Taire, Dijon, Théâtre Dijon Bourgogne (Parvis Saint-Jean), du 16 au 24 janvier 2025
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On peut consulter l’enregistrement du stage préparatoire aux Lycéades 21 ci-dessous :