Dijon – Résidence de la cie Equinoctis au Théâtre Mansart

Du 26 avril au 6 mai, Sabrina Sow et sa compagnie Equinoctis sont en résidence au CROUS Bourgogne Franche-Comté, Théâtre Mansart, afin de préparer une sortie de résidence qui se déroulera les 2 et 3 mai prochains à 15h. Un aperçu d’une nouvelle création en cours, dont la première se tiendra le 14 novembre 2024 au Manège de Reims.

Photo : Cie Equinoctis

La Bête et l’Animale est le deuxième volet d’un triptyque autour du temps, après Espèces d’Espaces, performance de quatre heures pour parkings de supermarchés avec quatre chevaux, « réflexion sur le temps qu’on se donne et le temps qu’on prend », souligne Sabrina. Surgissement de l’art dans la vie quotidienne, les clients cueillis au sortir des courses. « La beauté des choses est là, mais il faut avoir l’espace mental et le temps de le voir ». Cette semaine au Théâtre Mansart, se prépare un spectacle dans une configuration plus traditionnelle, pour salle et en frontal, avec deux chevaux qui évolueront sur un plancher spécialement conçu pour supporter leur poids conséquent. Une comédienne interviendra également au plateau. « L’idée du spectacle, c’est de faire rentrer l’inquiétante étrangeté du grand dehors dans ce lieu très feutré et plein de codes qu’est le théâtre ». Comme dans les précédents spectacles, sera évoquée la notion de liberté que symbolise le cheval, ce que Sabrina désigne comme « le grand dehors ». Ce conte éco-féministe traite du parcours d’une femme noire qui devient un animal, pour explorer le rapport à notre animalité, « toutes ces choses qu’on rejette en disant que c’est de l’instinctif ». Le personnage qu’interprète Sabrina fait au contraire le choix de « rentrer dans l’instant ».

La Bête et l’Animale est au départ une nouvelle, écrite par Sabrina Sow et à paraitre aux éditions de l’Espèce avec l’aide de l’association  Beaumarchais-SACD. L’artiste équestre, voltigeuse et autrice, en a tiré trois extraits pour élaborer son spectacle, qui a aussi bénéficié du regard extérieur de Rébecca Chaillon dont le travail, autour des processus de domination notamment, n’est pas sans lien avec les thématiques développées par la cie Equinoctis. Le spectacle s’inspire également d’un ouvrage de Donna Haraway, publié en 2021, Vivre avec le trouble, où la philosophe américaine invite à ériger « une société alternative qui ne serait pas dans la compétition, mais plutôt dans la collaboration et dans le fait de travailler avec la différence de l’autre », souligne Sabrina.

Photo : Cie Equinoctis

Cette dernière évoque aussi le « kairos », petit être volant dans la mythologie grecque qui n’a qu’une mèche de cheveux. « Il faut l’attraper par cette mèche. C’est l’instant T, LE moment, ce présent très très fort dans lequel nous les humains on a un peu de mal à être, puisqu’on est souvent dans le futur ou dans le passé, mais rarement vraiment là ». Il suffit en effet d’observer quelques minutes un animal pour se rendre compte qu’il vit d’abord (dans) l’instant présent, rarement (voire jamais) préoccupé par ses actes passés ou par ce qu’il fera demain. « Avoir des chevaux au plateau, c’est assez formidable parce qu’ils ont cette présence que tous les comédiens travaillent beaucoup pour avoir ! ». Sabrina se définit comme un médium entre le cheval et les spectateurs. Et même si le spectacle reste très écrit, avec une ligne directrice, toute la difficulté va être de travailler avec les réactions des chevaux, leurs propositions, leur offrir un cadre suffisamment sécurisé pour qu’ils puissent s’exprimer. « Au travers de ma pratique avec les chevaux, j’essaie de montrer qu’une autre interaction entre nous est possible. Je travaille sans violence avec mes chevaux, dans une sorte d’aller-retour et de discussion constante, et ce serait bien, entre humains, qu’on soit capables d’agir de cette manière-là ! ». Un travail sur le son est également effectué, autour de la résonance de la planche en bois qui participe de cet espace sonore, élaboré par Nicolas Verhaeghe. L’inquiétante étrangeté dont parlait Sabrina au début devrait donc aussi se retrouver dans l’univers sonore de La Bête et l’Animale

Dominique Demangeot

La Bête et l’Animale (sortie de résidence), Dijon, Théâtre Mansart (CROUS BFC), 2 et 3 mai à 15h
https://culture.crous-bfc.fr/residences/cie-equinoctis/

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