Émilie Capliez présente à l’Opéra de Dijon sa mise en scène du Château des Carpathes de Jules Verne, une version opératique de théâtre musical, pour découvrir cet ouvrage oublié du grand romancier, qui fait partie de sa longue série des Voyages extraordinaires. Un voyage qui mêle sciences et occultisme, jusqu’en Transylvanie pour découvrir le château (non pas de Barbe-Bleue !) mais du baron de Gortz. Une bâtisse qui abriterait, dit-on, le fantôme d’une cantatrice.

Photo : Simon Gosselin
Après sa création de L’Enfant et les sortilèges, Émilie Capliez renoue avec le mélange des dramaturgies théâtrale et musicale, un dialogue qu’elle orchestre au plateau. La metteuse en scène aime à rappeler que Jules Verne était un mélomane,
« et qu’il a travaillé à développer le théâtre musical en son temps », souligne la co-directrice de La Comédie de Colmar. C’est peut-être la raison pour laquelle il a intégré dans son roman la figure d’une cantatrice, la Stilla. « Mais au-delà de l’évocation de l’art lyrique, j’aimerais que la musique, jouée en direct sur scène par trois instrumentistes et une chanteuse, accompagne et rythme le récit », ajoute Émilie Capliez, « et qu’elle participe au déploiement et à la construction de l’univers fantastique et énigmatique qui caractérise l’œuvre. » La musique prendra des couleurs jazz avec la participation de la trompettiste Airelle Besson, qui a conçu la partition, complétée par une création sonore. « Du point de vue de l’esthétique de cette partition musicale, on peut évoquer le jazz parce qu’il y a de l’improvisation », souligne cette dernière,
« mais je parlerais plutôt de musique mélodique, voire minimaliste, avec des ritournelles. »
Sur scène se côtoient trois instrumentistes, une actrice-chanteuse et quatre comédiens. Un théâtre qui sera donc musical… mais aussi visuel avec « un dispositif scénographique au service des multiples décors et paysages évoqués dans le texte original », dit encore Émilie Capliez. Un travail avec un vidéaste a permis d’évoquer à la fois les différents paysages, les lieux, mais aussi de donner corps aux phénomènes surnaturels très présents dans le roman de Jules Verne. L’auberge, lieu central de l’histoire, devient un cabaret dans cette adaptation,
« lieu de musique et de convivialité par excellence qui pourra évoluer au fil du récit pour devenir cet autre lieu de musique que propose Jules Verne : l’opéra napolitain de San-Carlo. » Le genre gothique du roman va bien sûr être exploité et traduit sur le plateau, un mystère et une inquiétante étrangeté propres à la Transylvanie avec un château hanté. Émilie Capliez a souhaité aussi évoquer les thèmes de la possession et du désir. « Jules Verne imagine dans ce double récit des personnages aussi complexes qu’en prise avec leurs sentiments, leurs doutes et leurs croyances et qui vont se retrouver face à une prodigieuse invention », explique la metteuse en scène. Franz, le fiancé de la diva, enquête sur les mystérieuses apparitions de son aimée. Il s’enfonce alors dans une sombre forêt pour tenter de rejoindre le château.

Photo : Simon Gosselin
Lors de son adaptation du texte de Jules Verne, Émilie Capliez a conçu un nouveau récit et de nouveaux personnages. « Le personnage de Miriota, archétype de la jeune première passive et douce, a été retravaillé pour incarner une figure féminine plus émancipée. » Le propriétaire de l’auberge est devenu une femme, Carmen, qui fait aussi office de narratrice et va jouer un rôle majeur dans l’action. Un autre travail d’adaptation s’est porté sur la cantatrice. « La figure de l’artiste femme m’intéresse beaucoup et, à travers elle, la question de la dépossession, de l’image et de l’indépendance de ces femmes. »
– Paul Sobrin –
Le Château des Carpathes, Dijon, Opéra (auditOrium), 6 mai à 20h
opera-dijon.fr