Dijon – Le Château de Barbe-Bleue à l’Opéra de Dijon

Dominique Pitoiset proposera les 11 et 12 janvier sa nouvelle création autour du conte de Barbe-Bleue, un diptyque mêlant les Métamorphoses de Richard Strauss et Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartók.

Dominique Pitoiset – Photo : Mirco Magliocca

Le directeur de l’Opéra de Dijon convie l’Orchestre Français des Jeunes, en résidence depuis l’an dernier à l’Auditorium, sous la direction de sa nouvelle cheffe Kristiina Poska. Judith, « la plus belle épouse » de Barbe-Bleue, la quatrième, veut dissiper les ténèbres qui entourent la demeure de son époux. Une à une, elle va pousser les portes de son château et découvrir la face sombre de Barbe-Bleue. Un prologue composé des Métamorphoses de Strauss nous transportera dans l’enfance du maître des lieux pour tenter de comprendre l’origine de cette noirceur. Composée à la fin de la Seconde guerre mondiale, cette « étude pour vingt-trois cordes solistes », entre élégie et lamentation, est née sur les cendres de la ville natale du compositeur, Munich, Strauss citant notamment la marche funèbre de la Symphonie héroïque de Beethoven.

Unique opéra de Béla Bartók (1881-1945), Le Château de Barbe-Bleue cherche à s’affranchir des influences italiennes et allemandes, le compositeur s’employant à puiser dans la tradition musicale hongroise (tout en rendant aussi hommage à la langue de ce pays) avec cette œuvre d’une heure en un seul acte. Autre prise de distance avec la tradition lyrique: Bartók ne va pas chercher à plier le texte de Béla Balázs à sa composition, mais au contraire s’en inspirer pour créer la partition. Le librettiste s’est inspiré des ballades folkloriques de Transylvanie, région natale de Bartók pour écrire son poème. Son livret reprend La Barbe-Bleue (1697) de Charles Perrault, s’appuyant sur sa dimension symbolique et les rapports amoureux entre homme et femme. Un conte qui est, pour le librettiste, une « ballade de la vie intérieure ». Quant à l’imposant château, il semble aussi inquiétant que son propriétaire, « très vieux et très sombre […] très froid et très profond ».

Kristiina Poska – Photo : Kaupo Kikkas

L’œuvre, ici conte symbolique, illustre l’angoissant cheminement de Judith de porte en porte, chacune dissimulant un univers musical, sans oublier le personnage fort imaginé par Perrault. « Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie et des carrosses dorés ; mais par malheur il avait la barbe bleue : cela le rendait si laid et si terrible, qu’il n’était ni femme ni fille qui ne s’enfuît de devant lui ». Plusieurs lectures peuvent être appliquées au conte, relevant parfois de la psychanalyse, ou proposant des allusions au récit biblique, à l’image de cette seule porte que Barbe-Bleue interdit à son épouse d’ouvrir. Le fruit défendu…

L’amour impossible entre Barbe-Bleue et Judith semble faire miroir à l’incapacité de Bartók (selon lui) à trouver un jour l’amour. « Tu étais ma plus belle épouse (…) Et désormais, ce sera toujours la nuit… La nuit… La nuit », dira Barbe-Bleue. Une solitude dont a souffert le musicien lui-même, comme Bartók le confiera en 1905 dans une lettre à sa mère : « Il est des moments où je prends conscience que je suis totalement seul. Et je prévois […] que cet état de solitude morale sera ma destinée ». Le compositeur mourra d’ailleurs dans la misère, refusant toute compromission avec son œuvre.

– Dominique Demangeot –

Le Château de Barbe-Bleue, Opéra de Dijon, auditOrium, 11 janvier à 20h, 12 janvier à 15h
opera-dijon.fr

Le Château de Barbe-Bleue à l'Opéra de Dijon les 11 et 12 janvier 2025

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