Voici (au moins) deux bonnes raisons de passer les portes de la Scène nationale de l’Aire urbaine en ce frileux mois de novembre. Pour se réchauffer un peu, on ira faire un tour du côté du Théâtre de Montbéliard, rencontrer Deva Mahal et sa soul impeccable. Le metteur en scène Alessandro Serra nous transportera quant à lui sur son île italienne pour nous présenter l’histoire sombre de Macbeth, passée par le prisme de la tradition sarde.
Le père est illustre, pour qui aime le blues. La fille débute de la meilleure des manières avec son premier opus publié en mars dernier, Run Deep, album que l’on aura plaisir à découvrir en live grâce à MA avec le Granit, le 7 novembre prochain au Théâtre de Montbéliard. Blues, la ligne de guitare qui ouvre l’album – Just Can’t Call It Love – l’est assurément, un riff hypnotique qui louvoie sur un tempo et des chœurs s’orientant davantage vers la soul. Le rejeton de Taj Mahal aime le rythm’n’blues et a les atouts pour lui rendre hommage. En composant seule ou en collaboration onze des douze titres présents sur Run Deep, l’artiste nous prouve aussi qu’elle a les armes pour se faire un prénom. Coachée par Scott Jacoby à la production (Coldplay, Vampire Weekend), elle a tiré le bon numéro pour qui veut polir ses arrangements et capter l’auditeur. La voix de la jeune femme attaque bille en tête le deuxième morceau, Snake, qui sent bon là encore le rythm’n’blues gorgé de soul, et confirme ce qu’elle confessait dans le titre d’ouverture (« I’ll gather my armour, and I’m ready for battle »). La chanson titre, petit joyau de soul R’n’B, accueille en invitée la sœurette de Dava, la rappeuse Coco Peila, tandis que Turnt Up convie un autre jeune (et digne) représentant de la new soul, l’Américain Allen Stone. Une soul que l’on retrouve dans les arrangements vocaux de Fire, avec un arrière-goût de gospel du plus bel effet. Deva Mahal ralentit le rythme avec cette incursion dans un univers un peu plus pop, et joue les divas sur Shards, dont la sobriété ne fait que mettre en valeur la puissance de sa voix, au cas où quelques auditeurs durs du tympan auraient encore des doutes !
Le metteur en scène italien Alessandro Serra s’est attelé à une traduction sarde du fameux Macbeth de Shakespeare. Un changement de décor est opéré et l’on passe ici de l’Angleterre élisabéthaine au carnaval de Barbagia, événement culturel majeur en Sardaigne qu’Alessandro Serra met à profit pour nous conter son Macbeth, qu’il place au milieu des traditions ancestrales sardes. Des festivités païennes et martiales, convoquant des forces violentes et surnaturelles qui ne sont pas sans rappeler l’atmosphère de la pièce de Shakespeare, avec notamment les trois sorcières, tour à tour effrayantes et burlesques, qui prédisent à Macbeth son accession future au trône d’Écosse. Cette adaptation est une preuve de plus que les pièces de Shakespeare sont universelles, et que les thèmes convoqués, ainsi que la dramaturgie édifiée par ce dernier, résonnent avec la même intensité quatre siècles plus tard. Culpabilité et paranoïa, thèmes très présents chez le dramaturge anglais, sont bien sûr traités dans l’adaptation d’Alessandro Serra, qui a choisi de les incarner notamment dans les inquiétants masques sardes traditionnels, magnifiés dans un décor épuré. On est frappés par les points communs des deux cultures, leur rudesse, leur minéralité (l’étrange similitude entre les châteaux d’Écosse et ceux de Sardaigne) et ce paganisme présent à la fois dans le théâtre élisabéthain et dans la culture sarde.
– Paul Sobrin –
Deva Mahal, Théâtre de Montbéliard, 7 novembre à 20h
Macbettu, Le Granit, Belfort, 21 novembre à 20h
http://www.magranit.org