Le Munstrum Théâtre sera de retour dans la programmation du Théâtre Dijon Bourgogne en mars, en partenariat avec Le Cèdre de Chenôve. La compagnie alsacienne s’aventurera cette fois dans le clair-obscur shakespearien avec sa pièce Macbeth, rebaptisée Makbeth pour l’occasion.
Une œuvre sanglante toujours d’actualité, « l’escalade meurtrière du héros shakespearien » mise en regard avec les conflits mondiaux actuels. C’est cette violence inhérente à nos sociétés que le Munstrum Théâtre souhaite regarder « en face ». Le bien et le mal sont des notions très relatives comme le montre la pièce de Shakespeare, car « les époux Makbeth ne sont pas diaboliques par nature, ils aspirent à la paix et à un futur lumineux et vivable », explique la compagnie alsacienne, « mais par une terrible erreur de jugement, une mauvaise interprétation d’un oracle équivoque, ils commettent un massacre pour obtenir cette paix. »
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Photo : Maëliss Le Bricon
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Photo : Maëliss Le Bricond’
Ce « plaisir de l’horreur » propre au théâtre élisabéthain qu’évoque l’auteur Lucas Samain, le Munstrum Théâtre le fait sien, dressant un parallèle avec nos films d’horreur modernes. Dès lors les figures monstrueuses qui sont l’un des thèmes centraux de la compagnie alsacienne, vont continuer à hanter le plateau. Louis Arene souhaite en faire « une expérience brute et sensuelle ». Toujours au registre des thèmes d’actualité, enjeux environnementaux, capitalisme et « domination patriarcale » ont induit « des pensées dissidentes » comme le pense encore le metteur en scène, un appel à se réinventer qui est aussi à l’œuvre dans sa traduction du Macbeth, que le Munstrum Théâtre préfère qualifier de « variation autour de la tragédie de Shakespeare ». Dès lors, les adaptations plastiques et sonores vont également jouer un grand rôle au plateau. Si temps forts de la pièce et points clés du récit ont été conservés, le Munstrum Théâtre a aussi recouru à l’improvisation. La dramaturgie a été assurée par Kevin Keiss, tandis que Louis Arene a également collaboré avec le chorégraphe Yotam Peled pour composer certains tableaux comme les scènes de guerre, les interventions des sorcières ou les fêtes. Un circassien interviendra également. Il faut dire que le théâtre du Munstrum possède un fort impact visuel, à base d’effets spéciaux, faux-corps, masques, prothèses… Makbeth ose regarder en face les temps sombres qu’on nous annonce, affronter la mort sans ciller car « danser avec le Chaos doit être une entreprise joyeuse et désirante, un jeu avec la réalité en vue de créer de nouveaux paradigmes », estime encore le Munstrum Théâtre.
La compagnie va enfin nous rappeler aussi que l’époque élisabéthaine fut un temps où la religion côtoyait les rites païens. En mettant en scène des exécutions de sorcières, la pièce de Shakespeare « joue sur des peurs bien réelles de ses contemporains ». Quatre siècles plus tard, la race humaine ne parait pas mieux lotie. La compagnie a mis au point des figures débarrassées des clichés de la sorcière traditionnelle, matérialisées par des créations plastiques « qui ‘’suintent’’ littéralement de Makbeth et des autres personnages : les corps expulsent régulièrement un liquide noir et visqueux qu’on ne veut pas voir ». Mais de ces ténèbres surgira aussi le rire, mêlé à l’effroi, tandis que le sang, « motif récurrent de l’intrigue », va jaillir lui aussi pour donner corps à la « triste comédie du pouvoir » que dépeignait Shakespeare en 1606.
– Paul Sobrin –
Makbeth, Chenôve, Le Cèdre, du 25 au 27 mars
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