Double rendez-vous le 19 avril pour ce déjà vingtième Bruit de la Rue avec d’une part, la pièce Bien Parado (à 20h45), par la compagnie La Méandre, et d’autre part la sortie de résidence du collectif Hoods Flakes avec Destiny’s Flakes (à 21h30). On revient sur le projet Bien Parado, collaboration entre le collectif chalonnais La Méandre et la compagnie Fernweh, qui mêlent dans un même élan danse contemporaine et tradition sévillane, danse traditionnelle et musique assistée par ordinateur. Les mots clés sont réappropriation des codes, ouverture et tolérance. Bien Parado sera présenté ici dans sa version rue.
Imaginé par Jane Fournier, danseuse et chorégraphe, et Cédric Froin, musicien et compositeur, Bien Parado s’inspire de la Sévillane, danse traditionnelle populaire espagnole composée de quatre couplets pouvant se danser à deux ou à plusieurs couples, en cercle ou en groupe. Le « bien parado », c’est la pose entre chaque couplet, quelques secondes pour un « arrêt bien fait ». Le spectacle évoque notamment la figure féminine, que l’on peut apprécier dans différentes attitudes, différents rôles, de la danseuse à la mère, en passant par la séductrice, diverses représentations de la femme occidentale, de la Sainte-Vierge à Joséphine Baker en passant par Mona Lisa. « De la figure sacrée au plaisir de séduire, du poids des dogmes à l’émancipation, nous avons cherché à retracer la place de cette femme à travers ces arrêts sur image », expliquent les deux compagnies.
Bien Parado opère par ailleurs une rencontre entre la Sévillane et la musique techno, d’un côté art codifié avec ses règles strictes, ses pas et ses figures immuables, de l’autre univers de la nuit, ses « free party » et une certaine distance prise avec les règles. Dans les deux cas cependant, on retrouve l’envie de se réunir et la danse comme pratique sociale. Bien Parado explore un rythme commun à ces deux cultures pour parvenir à « une forme hybride et lumineuse ». Cédric s’est inspiré notamment du chant mozarabe, chant liturgique hispanique symbolique de l’ouverture culturelle prônée par la pièce. « Pratiqué par les chrétiens en Espagne sous la domination musulmane, cet art met en lumière cohabitations et conflits entre ces cultures », explique Jane. « Représenter cet art sur scène nous est apparu d’abord comme une démarche engagée. Elle évoque pour nous la notion de mixité. »
Cédric a étudié les structures de la musique de la Sévillane pour mieux les déconstruire, là encore en vue de l’affirmation d’une liberté artistique. « Un jour, il m’a interpellée en me suggérant l’idée d’allier la Sévillane à la techno. Ça m’a tout de suite plu », souligne la danseuse. Mais cette dernière a elle-même souhaité se réapproprier la Sévillane à travers l’improvisation, et si les codes sont transgressés, reste le cœur de la danse qui est la joie, « un des éléments les plus importants de cette danse populaire, elle doit être communiquée. » Jane danse d’ailleurs en pantalons, pieds nus et cheveux détachés, loin de l’esthétique traditionnelle. Elle danse également seule. « Il n’y aura plus de rapport de séduction alimenté par l’homme. La seule relation que je souhaite créer est avec moi-même. » Bien Parado déconstruit également la relation traditionnelle, un certain pouvoir de séduction/domination figuré dans la Sévillane. Une création dans l’air du temps !
Manu Gilles
Bien Parado (puis Destiny’s Flakes), Site de L’Abattoir, Chalon-sur-Saône, 19 avril à partir de 20h45
Informations : www.chalondanslarue.com/fr/projets/bruit-de-la-rue-programme1