Bob Dylan – Rough And Rowdy Ways

FOLK / BLUES

Columbia

Robert Zimmerman vient de sortir du four son 39e album, et après 60 ans de carrière, la recette crée toujours l’événement. Le pape du folk revenu de tous les enfers en a encore dans la marmite, comme le prouve brillamment ce premier travail en studio depuis huit ans.

Bob Dylan - Rough And Rowdy WaysSi le créateur de Like A Rolling Stone a perdu au fil des décennies son fameux ton nasillard, devenu sa marque de fabrique au détour des sixties, son timbre de 2020 a gagné une profondeur qui lui va bien. Dylan le chante lui-même : il est homme de contradictions, aux humeurs diverses, comme l’illustre le premier morceau tout en finesse (I Contain Multitudes, citant les Rolling Stones et d’autres génies sous acide, William Blake, Edgar Allan Poe…). False Prophet est au contraire un blues qui s’électrise et sonne comme un manifeste du poète musicien, Prix Nobel de Littérature 2016, rappelons-le. Bob Dylan hésite parfois entre le chant et le spoken word (My Own Version Of You, Murder Most Foul), gronde comme un vieux chat lunatique, balançant des blues d’un autre âge pour rendre hommage notamment à l’épileptique et alcoolique Jimmy Reed. Quelques accords égrainés, comme ce crépusculaire Dark Rider que n’aurait pas désavoué L.Cohen, fûts et cymbales juste effleurés la plupart du temps, la production des morceaux se faisant discrète pour mettre en valeur l’Evangile païen de Dylan. Et ça marche.

Rough And Rowdy Ways arrive à point nommé, à une époque qui fait écho aux émeutes raciales des années 60. Le morceau de bravoure du disque est sans conteste Murder Most Foul, occupant à lui seul un deuxième CD, longue mélopée de 17 minutes durant laquelle Dylan évoque l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Le master of folk avait balancé ça sur les autoroutes numériques une nuit, le 27 mars dernier, prenant tout son monde de court et annonçant son nouvel opus. Il prouvait par la même occasion, au début de cette foutue pandémie, que Bobby, bientôt quatre-vingt guitares, était encore vendeur (numéro un des ventes US fin mars). L’assassinat de Kennedy, et le roman américain qui en a suivi, Dylan l’illustre en évoquant quelques faits marquants dans son pays, des années 60 à nos jours, convoquant titres de chansons et de films, lâchant des noms de ci de là. Amusez-vous à googliser les paroles, c’est une mine d’or. Murder Most Foul rame à contre-courant d’une époque où les titres de quatre minutes, calibrés comme une tomate européenne, sont la norme. Le morceau nous rappellerait presque le bon vieux temps des poètes new-yorkais, Ginsberg et compagnie, la force d’une parole qui brasse son époque, mais tout en subtilité ici, lent murmure plutôt que long hurlement. Rough And Rowdy Ways résonne d’une manière particulière ces jours-ci. On danse peut-être moins en ce moment que sur la pochette du disque, pourtant les poètes sont toujours là pour nous faire prendre de la hauteur.

Dominique Demangeot

CONCOURS : On vous propose de remporter le double vinyl de Rough And Rowdy Ways à paraître le 17  juillet. Il vous suffit de vous abonner à la page www.facebook.com/journaldiversions si ce n’est déjà fait, et de partager cet article sur votre profil. 

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