Gaston Bachelard (1884-1962) est le philosophe qui s’est attaché à étudier les rêves et l’imaginaire, beau sujet pour une compagnie de théâtre. Pierre Meunier s’est empressé d’aller voir de plus près ce qu’avait à nous dire Bachelard, dans une pièce imaginée comme un dispositif immersif, musical, sonore et plastique.
Le philosophe publiera notamment L’Eau et les rêves (1941), L’Air et les songes (1943), La Terre et les rêveries du repos (1946), La Flamme d’une chandelle (1961) et la pièce nous reconnecte justement à ces quatre éléments. Ce Bachelard Quartet, Pierre Meunier l’a souhaité comme « une immersion plastique, sonore et musicale ». Pour ce faire, trois voix nous accueillent, l’une humaine, les deux autres échappées d’un piano (Jeanne Bleuse) et d’un violoncelle (Noémi Boutin). En 2014 déjà, le metteur en scène partageait le plateau avec la violoncelliste et un autre comédien pour aborder La Psychanalyse du feu. C’est en lisant L’Air et les songes que Pierre Meunier découvre l’écriture de Bachelard au début des années 90, des mots et une vision du monde qui l’accompagneront durant toutes ses années de metteur en scène et comédien. Le livre lui ouvre alors « la voie d’une écriture théâtrale fondée sur une relation vivante avec les éléments et la matière ». Ce poète de la matière qu’est Pierre Meunier ne pouvait qu’entrer en résonance avec l’œuvre de Bachelard. L’eau, la pierre, le fer… autant d’alliés qui ont été pour Pierre Meunier et Marguerite Bordat des moteurs de création, tandis que le dernier spectacle en date, Terairofeu, mobilisait déjà les quatre éléments. Mais la terre aujourd’hui est en piteux état. « Au regard de la dégradation inéluctable des conditions d’existence de tout organisme vivant, ton hymne enthousiaste aux éléments résonne comme l’épitaphe visionnaire d’un monde en train de disparaître en s’auto-détruisant », écrit Pierre Meunier.
Alors pour conjurer le sort, Meunier et Cie nous convient à « une sorte de veillée, une cérémonie joyeuse de gratitude envers les quatre éléments », dit encore Marguerite Bordat, « envers la pensée de Gaston Bachelard, sa malice, sa profondeur et son magnifique enthousiasme à la partager. » La compagnie de La Belle Meunière veut chanter une fois encore « l’accord heureux » entre l’air, l’eau, le feu et la terre, et pour cela elle va convoquer les mots de Bachelard et les faire voisiner avec la musique de Noémi Boutin et Jeanne Bleuse, les deux artistes dialoguant avec les textes du philosophe. Ces dernières convoqueront plusieurs compositeurs : Britten, Ligeti, Bartok, Debussy… C’est un oratorio qui est élaboré ici, au creux d’un public disposé en tri-frontal pour davantage d’intimité, « afin que nous puissions leur faire éprouver facilement l’acoustique non amplifiée des instruments, le mouvement de l’air, la liquidité de l’eau, la chaleur du feu, l’odeur de la terre… », promet encore Pierre Meunier.
– Paul Sobrin –
Bachelard Quartet
Besançon, Les 2 Scènes, 12 et 13 novembre – les2scenes.fr
Théâtre National de Strasbourg, du 26 novembre au 2 décembre – tns.fr