Le CDN Besançon Franche-Comté accueillera en mars la dernière création de Tiago Rodrigues. Le spectacle programmé et accueilli en commun avec Les 2 Scènes, Scène nationale de Besançon, rend hommage aux souffleuses, un métier de l’ombre – sopro signifie souffle en portugais – à découvrir ici.
Le metteur en scène portugais s’est inspiré de Cristina Vidal, souffleuse du Théâtre national de Lisbonne qu’il dirige. Souffleur(se), un métier en voie de disparition que Tiago Rodrigues met cependant à profit pour nous parler du théâtre. Le théâtre et notamment les difficultés économiques qu’il rencontre de nos jours. Sopro convoque quelques scènes tirées de pièces mythiques mises en abyme, à l’image des Trois Sœurs ou encore de Bérénice. Mais le théâtre que parcourt la souffleuse, vêtue de noir pour rester discrète, est envahi par les herbes folles. Un théâtre post-apocalyptique, après sa mort annoncée, délaissé par les subventionneurs.
Cristina Vidal apparait donc dans la pièce… pour souffler les textes à l’oreille des comédiens. Au total, ce sont cinq acteurs et actrices que cette dernière va côtoyer et accompagner au plateau. Pour une fois, on la voit souffler à leurs oreilles, tandis que défilent ses souvenirs de théâtre, des anecdotes, des saynètes, des histoires vraies, d’autres fausses… Une matière précieuse, faite de souvenirs principalement, d’autant que Tiago Rodrigues revendique une économie de moyens, une « austérité » qui contribue aussi à faire ressortir la dimension humaine du théâtre. Il y a Harpagon, Antigone, mais il y a surtout les personnes, les acteurs et actrices, et « les formes infinies encapsulées dans ces gens », comme l’expliquait Tiago Rodrigues l’été dernier lors du Festival d’Avignon.
Cette économie de moyens a aussi à voir avec le souffle, « une sorte d’austérité biologique, quelque chose qu’on fait même si on ne fait rien », explique le metteur en scène portugais. « Surtout dans un monde où on est soumis aux cris des slogans politiques, publicitaires, tout le temps, je pense qu’il faut créer des espaces de chuchotement, de respiration ». Le chuchotement comme un outil de résistance, le théâtre comme un refuge au bruit et à la fureur ambiants.
– Paul Sobrin –
Sopro, Centre Dramatique National Besançon Franche-Comté, du 5 au 8 mars
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