Début 2018 à l’Axone et à Micropolis, le Victor Hugo invitait le groupe Awek pour reprendre Three Pieces for Blues Band and Symphony Orchestra de Bill Russo, rencontre inaugurale en 1968 entre un orchestre classique et un groupe de blues. Le chef Jean-François Verdier a souhaité apporter sa pierre au mariage classique/blues en demandant à Thierry Maillard d’écrire une Symphonia blues pour blues band et orchestre.
Le directeur artistique de l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté parle d’ailleurs de « suite de l’histoire » lorsqu’il évoque cette nouvelle composition de Thierry Maillard. Pianiste, jazzman et compositeur, ce dernier publiait en 2020 un vibrant hommage musical à Frank Zappa. Ici sa feuille de route suit un chemin davantage balisé, celui du blues qu’il marie à une partition classique interprétée par l’orchestre. Les quatre Toulousains d’Awek sont quant à eux en charge de la partie purement blues de l’affaire. « Chacun apportant son monde et son langage, ça va être intéressant ! », ajoute le chef.
Cette création de Thierry Maillard figurera sur un disque à paraître l’an prochain autour des Pièces pour blues band et orchestre de Bill Russo. La partition écrite pour Awek durera une vingtaine de minutes et comportera quatre parties. Thierry Maillard explique qu’il a découvert William Russo à l’occasion de cette création, même si le musicien nous confie qu’il n’a pas vraiment écouté l’œuvre, pour éviter toute influence. « C’est ce que m’avait demandé Jean-François, de faire la chose à ma façon ». Pour Thierry, composer pour le blues constituait d’ailleurs une première. « Ce sera plutôt une suite qu’un concerto », souligne le musicien. « J’ai échangé avec Bernard, on avait plusieurs retours l’un et l’autre. Je voulais qu’ils m’envoient un peu ce qu’ils faisaient. De là, je me suis calqué sur leur univers et j’ai écrit autour de ça ». Le groupe de blues va de son côté interpréter sa musique du diable comme il sait si bien le faire, la partie écrite par Thierry étant principalement destinée à être jouée par le Victor Hugo. Il s’agit d’une partition pour cordes, cuivres et percussions, seuls les bois manquant à l’appel.
« J’ai beaucoup collaboré avec Thierry », explique Bernard Sellam, guitariste et chanteur d’Awek. « C’est lui qui a écrit la partie orchestre, moi je lui ai donné des éléments et il a écrit aussi la partie pour Awek. Ensuite je l’ai réécrite une deuxième fois pour donner notre sonorité. » On retrouvait le même équilibre entre écriture et improvisation blues dans la pièce de Bill Russo, une œuvre qui, à l’époque de sa composition en 1968, en a décontenancé plus d’un, tant au sein du public blues que chez les amateurs de classique. « Bill Russo a décrit la genèse de la rencontre », explique Jean-François Verdier. « Au début il y a les deux mondes vraiment séparés, c’est très surprenant. Même les tempi ne sont pas ensemble. Il veut montrer que les choses ne sont pas données tout de suite.» Ce n’est que dans la troisième partie qu’orchestre et groupe de blues jouent enfin à l’unisson. « Ils tentaient des choses que personne n’avait jamais entendu.» Le Concerto’n’Blues s’inscrira dans cet esprit défricheur. Et en parlant d’audace musicale, Thierry Maillard étant un grand fan de Bartók, le Victor Hugo interprétera également le Concerto pour orchestre du compositeur hongrois, « un challenge pour tout orchestre, très virtuose et pêchu, mais le Victor Hugo peut maintenant être très bon là-dedans », explique Jean-François. « C’est aussi une façon pour nous de passer un cap supplémentaire, et en même temps, c’est créer des espaces de curiosité dans lesquels les gens ne s’attendent pas à nous trouver. »
Dominique Demangeot
Concerto’n’Blues, Orchestre Victor Hugo Franche-Comté et Awek,
Besançon, Théâtre Ledoux (Les 2 Scènes), 9 décembre à 20h – ovhfc.com
https://les2scenes.fr/spectacle-vivant/concertonblues