Les 22 et 23 janvier prochains, Les 2 Scènes accueilleront au Théâtre Ledoux les premières du Carnaval de Venise. L’occasion de découvrir cet opéra d’André Campra créé en 1699 à l’Académie Royale de Musique, monté pour la dernière fois en France en 1975. Un opéra-ballet dont s’emparent Clédat & Petitpierre, duo de plasticiens dont l’une des spécialités est de mettre en scène le spectacle vivant. La partition sera interprétée par 20 musiciens de l’Ensemble Il Caravaggio, dirigés dans la fosse par Camille Delaforge.
« Cet opéra-ballet a valu à Campra d’être vraiment reconnu comme le compositeur de la musique française et de l’opéra français », nous expliquait en juin dernier Anne Tanguy, ancienne directrice des 2 Scènes (recrutement en cours, NDLR). « Il gardait la trace de compositeurs comme Lully, mais déjà on voyait dans la musique poindre Rameau aussi. Il est à un moment charnière de l’histoire de la musique ». Mêlant styles italien et français, en équilibre entre comique et tragédie, merveilleux, danse et art lyrique, Le Carnaval de Venise rappelle les comédies de mœurs du XVIIIe siècle. Léonore et Isabelle aiment Léandre, mais Léandre préfère la seconde… Rodolphe lui, aime Léonore et s’allie à elle pour se venger de Léandre. La base d’une intrigue qui fait appel aux masques, aux quiproquos et aux rebondissements. Un grand carnaval lyrique et baroque orchestré par la co[opéra]tive, association réunissant des théâtres pour la création et la promotion d’œuvres lyriques d’aujourd’hui, dans le but notamment de fédérer un nouveau public. « J’ai aussi été séduite par le fait que Campra l’ait conçue à l’origine pour rendre l’art lyrique plus accessible », souligne d’ailleurs Camille Delaforge au sujet du Carnaval de Venise.
Clédat & Petitpierre, comme à leur habitude, vont soigner la forme, avec ce Carnaval de Venise au parti-pris plastique très fort. Un grand labyrinthe circulaire rappelle le système solaire et les orbites des planètes, le passage du temps étant symbolisé par d’impressionnants pendules en forme de glands et des contrepoids venus des cintres. Manière de souligner la dimension très moderne de cet opéra-ballet, « où les personnages semblent au centre d’un projet plus vaste et, pourrait-on dire, plus conceptuel », expliquent Yvan Clédat et Coco Petitpierre. « C’est ce questionnement sur le médium lui-même qui résonne en nous de manière très contemporaine, malgré les trois siècles qui nous séparent de l’œuvre originale. » Campra pratique en effet la mise en abyme, dans le prologue où l’on termine de construire le décor (la déesse Minerve reconvertie en régisseuse de plateau…) ou à travers un opéra dans l’opéra (l’Orfeo).
Clédat & Petitpierre empruntent en particulier au « grand corpus visuel de l’histoire de l’art » comme ils le confient, à l’image des fameux arlequins de la commedia dell’arte. En compagnie du chorégraphe Sylvain Prunenec, ils vont ainsi faire danser un groupe de polichinelles ventripotents inspirés des tableaux de Tiepolo, peintre vénitien du XVIIIe siècle représentatif du style rococo. Ces polichinelles seront « [t]our à tour acteurs et spectateurs de la pièce ». Le fil conducteur, en quelque sorte, de l’opéra. Mise en abyme là encore, et l’occasion aussi de retrouver, comme à l’époque d’André Campra, « la porosité qui existait alors entre la salle et la scène ». D’autres surprises devraient être ménagées durant l’entracte…
Dominique Demangeot
Le Carnaval de Venise, Besançon, Théâtre Ledoux (Les 2 Scènes), 22 janvier 2025 à 19h, 23 janvier 2025 à 20h
Dispositif « étudiants à l’Opéra ! »
Pour la représentation du mercredi 22 janvier, 1 billet est offert sur présentation de la carte étudiant, dans la limites des places disponibles, à retirer en billetterie le soir-même.
https://les2scenes.fr/spectacle-vivant/le-carnaval-de-venise