Le spectacle de François Chaignaud avait fait sensation l’été dernier au Festival d’Avignon. Romances Inciertos arrive cet hiver dans l’Est, passant notamment par Besançon puis Mulhouse. Les 2 Scènes ainsi que La Filature accueillent cette pièce troublante, fruit de mélanges de traditions savantes et populaires, un spectacle qui nous transporte dans l’univers métissé du baroque.
Dans Romances Inciertos, un autre Orlando, François Chaignaud danse, chante et incarne différents personnages, dont la Doncella Guerrera, une jeune fille qui part en guerre au Moyen-Âge vêtue d’une armure d’homme. On pense à Don Quichotte. On pense à Jeanne d’Arc. Le danseur (qui pousse aussi la voix sur scène, et de belle manière, remontant du grave à l’aigu) devient ensuite San Miguel, tiré du recueil de poèmes de García Lorca, archange qui a vaincu le dragon, et enfin la Tarara, une gitane andalouse à l’aspect androgyne. Le danseur traverse plusieurs styles musicaux, de la jota au flamenco, en passant par le boléro. Si l’androgynie et le travestissement sont des points communs aux trois personnages, le spectacle semble plutôt nous dire que les frontières entre les cultures, entre les genres, sont plus mouvantes qu’il n’y parait, perméables comme l’étaient les genres musicaux à l’époque baroque. On comprend mieux la référence, dans le titre, à Orlando, conte fantastique éponyme de Virginia Woolf. Un jeune lord immortel y traverse trois siècles, nommé ambassadeur en Turquie et qui devient femme. Un vent d’ouverture et de liberté souffle sur ce roman, comme il balaie Romances Inciertos.
Avec le musicologue Nino Laisné, qui a assuré la mise en scène et la direction musicale, François Chaignaud a élaboré un répertoire composé de chansons traditionnelles, de mélodies populaires venues pour la plupart des XVIe et XVIIe siècles. Nino Laisné les a réadaptées pour Romances Inciertos. Ces musiques, qui oscillent entre répertoires sacrés et profanes, folklore et baroque, sont interprétées sur scène par quatre musiciens (théorbe, viole de gambe, bandonéon et percussions). Visuellement et musicalement, Romances Inciertos impose une frontière troublée, indéfinie, et tout à fait dans l’esprit de ce que propose François Chaignaud depuis 2005. Une frontière qui peut aussi déstabiliser, le spectateur comme l’interprète lui-même, que l’on contemple même, à un moment, entrain de danser sur des échasses ! « Chaque culture mais aussi chaque époque se sont réapproprié ces poèmes », expliquent François Chaignaud, Nino Laisné et Célia Houdart. « C’est ainsi que ces mélodies – issues de l’art du romance, du chant sépharade ou de la jota se sont introduites dans la musique baroque, le flamenco andalou ou encore les cabarets travestis de la Movida ».
– Marc Vincent –
Romances Inciertos, un autre Orlando, Les 2 Scènes, Besançon (Théâtre Ledoux), 31 janvier et 1er février : http://les2scenes.fr/spectacles/romances-inciertos-autre-orlando
La Filature, Mulhouse, du 20 au 22 mars : http://www.lafilature.org/spectacle/francois-chaignaud-romances/