Au sein de l’archipel des Comores, dans l’Océan Indien, il est un département français, Mayotte. Leyla-Claire Rabih propose, avec Elles avant nous, d’explorer l’île à travers le regard de femmes nous confiant ce qu’est leur vie à Mayotte aujourd’hui, entre espoirs et combats.
Depuis 2021, Leyla-Claire Rabih a accompli plusieurs séjours à Mayotte. En compagnie de Morgane Paoli, elle a réalisé des interviews de jeunes filles et de femmes d’âges divers. Un corpus de textes a surgi de ces entretiens, mis en voix lors d’ateliers de pratique théâtrale. Elles avant nous « raconte à la fois la condition des femmes à Mayotte, mais aussi et surtout la façon dont elles tissent et superposent, avec intelligence, différentes influences, appartenances culturelles, d’une manière tout à fait singulière », explique la metteuse en scène. Plusieurs thèmes sont ressortis de ces rencontres et de ces témoignages, autour de la construction d’une identité mahoraise, des traditions face à la modernité, ou encore des rêves que l’on pourrait s’autoriser à faire.
Elles avant nous : Photo : Diversions
Pour Leyla-Claire Rabih, la situation sociale à Mayotte reflète les difficultés que l’on peut rencontrer aussi en métropole. « C’est un tout petit territoire, une île, donc tous les enjeux de climats et d’environnement sont très poussés, on l’entend aujourd’hui avec la question de l’eau, mais aussi les enjeux de conjuguer Islam et laïcité. Mayotte est un département français mais la population est musulmane à 99 %. » L’île subit par ailleurs une forte pression migratoire des Comores et de l’Afrique. Bantoue, musulmane, mais aussi française depuis 1841, Mayotte est multiculturelle. « Ce qui m’intéresse, c’est comment ces femmes arrivent à la fois à être ancrées dans leurs traditions, cultures, langue shimaoré, leurs pratiques religieuses, et à la fois ancrées dans ce que j’appelle la modernité, dans les enjeux d’émancipation et d’égalité des femmes. »
Reportage lors d’une résidence au GRRRANIT SN (octobre 2023)
Les trois comédiennes au plateau sont issues de cet espace culturel autour des Comores et de Mayotte, « et c’est vraiment un plaisir que de travailler avec elles sur les allers-retours entre là-bas et ici, sur la façon dont elles-mêmes tissent toutes ces réalités dans leur propre existence. » Leyla-Claire Rabih tient aussi à préciser que rien n’est fictif dans cette pièce, tous les textes ont été dits par des personnes réelles en interviews ou lors de cercles de parole, « et le travail que nous avons fait avec Morgane Paoli c’est de tisser ces récits, comment à partir de tous ces matériaux on arrive à créer du théâtre, et comment le théâtre arrive à mettre toutes ces paroles en exergue, en relief, en opposition les unes par rapport aux autres ». La metteuse en scène souhaitait collecter « une multitude de récits, de partis pris, de regards sur une réalité diverse. La réalité est beaucoup plus variée, nuancée, différente que ce que l’on a dans la tête ! » Un travail sonore a été mené à partir de voix de personnes interviewées à Mayotte, et de différents extraits du discours médiatique autour de l’île. Histoire de regards, de points de vue. « La France a un discours médiatique et un discours officiel sur cette île, et ce qui m’intéresse aussi, c’est de voir comment les discours officiels ont tendance à classifier la réalité, ou à la faire rentrer dans des cases qui sont souvent un peu plus étroites que la réalité elle-même. »
– Dominique Demangeot –
Elles avant nous, Belfort, GRRRANIT SN, 9 et 10 janvier à 20h
www.grrranit.eu