Le public avait fait la connaissance de Pierre Thilloy et de deux de ses compères musiciens en juillet dernier, lors du festival Rallumons la lumière au Grrranit. Pierre présentera sa première création en tant qu’artiste associé à la Scène nationale de Belfort les 27 et 28 novembre prochains, dans la grande salle du théâtre, une pièce musicale, qualifiée d’opéra mais sans livret, qui cherche à élargir les frontières de la musique dite classique.
Cartographie du coeur op. 245 mêle en effet les genres, empruntant à l’univers du classique mais aussi aux musiques du monde, aux musiques tribales, au jazz… Le cœur de l’instrumentarium se compose d’un violon, d’un violoncelle et d’une guitare classique. La mezzo-soprano Laeticia Goepfert sera également de la partie, même si pour écouter le chœur originel, il faudra attendre encore quelque temps, les conditions sanitaires en ayant décidé autrement. Au printemps dernier cependant, même confiné, le public avait pu avoir des aperçus de cette Cartographie du cœur, le compositeur ayant publié des extraits sur Facebook, courtes pièces interprétées par différents musiciens. Une première approche de cette œuvre qui sera créée sur le plateau du Grrranit en novembre. Ces Fragments cartographiques, comme les avait baptisés Pierre Thilloy, faisaient office d’éléments préparatoires pour le public. Le compositeur a aujourd’hui réuni tous les mouvements, contenant chacun 33 mesures, pour établir sa Cartographie du cœur op.245. Pendant une semaine, Pierre et son équipe bénéficieront d’une résidence sur le plateau du Grrranit pour finaliser la création, des conditions assez inédites, d’habitude réservées aux troupes de théâtre.
Il faut dire que la pièce s’avère ambitieuse, mêlant répertoire classique et autres esthétiques, Pierre Thilloy ne cachant pas son intérêt pour des artistes comme Pink Floyd et surtout Frank Zappa, créateurs et défricheurs de génie, qui n’ont pas hésité à mêler les esthétiques tout au long de leurs carrières. Si l’ambition d’origine – capter les battements de cœur du public en direct pour les inclure à la bande son lors des concerts – a dû être laissée de côté en raison des requis sanitaires là encore, des pulsations cardiaques enregistrées feront tout de même partie du concert, ménageant des dialogues inattendus avec les interprètes et qui vont « contrecarrer, accélérer la musique », comme nous le confesse Pierre Thilloy. Les battements de cœur comme « un soliste inattendu » qui viennent bousculer la partition. On pense au jazz et à ses syncopes, et d’ailleurs un batteur viendra prêter main forte aux musiciens, Francesco Rees étant un habitué des scènes jazz d’ici et d’ailleurs.
L’un des Fragments cartographiques de Pierre Thilloy
« D’ici et d’ailleurs » c’est aussi le sous-titre du concert, un « opéra d’ici et d’ailleurs » qui accueillera aussi un claviériste, en charge également du sound design. Entendez par là une autre manière d’envisager la réception du son, ainsi qu’une volonté affirmée de faire intervenir les nouvelles technologies pour obtenir des nappes et des textures, et « plonger le public dans un monde sonore », souligne encore Pierre Thilloy. Sur les partitions, Pierre donne également d’autres indications à certains musiciens et à la chanteuse, en matière de gestuelle notamment, plans de feux scéniques et mouvements étant synchronisés avec la musique. Cartographie du cœur op.245 est certes un opéra, mais un objet lyrique sans paroles, et c’est par les déplacements, les regards que va également s’opérer la relation entre le public et les artistes. Avec sa musique, Pierre Thilloy souhaite « ouvrir une porte chez l’auditeur ». L’absence de livret laisse aussi la liberté à chaque spectateur de remplir les « vides » avec sa propre expérience, son propre ressenti.
Dominique Demangeot
Cartographie du cœur op. 245, Belfort, Le Grrranit, 27 et 28 novembre à 20h – www.grrranit.eu