JAZZ
Innovative Leisure / 2016
BADADBADNOTGOOD, c’est ce trio de jeunes Canadiens, véritables prodiges qui ont secoué le monde du jazz à peine sortis du lycée. Le groupe s’est vite construit une réputation avec ses prestations live qui les auront amenés à écumer les scènes des plus grands festivals.
Matthew Tavares au piano, Chester Hansen à la basse et Alex Sowinski à la batterie sont donc les membres de cette formation. Cet ensemble d’instruments n’est pas sans rappeler le célèbre Money Jungle de Duke Ellington. Ce n’est un hasard puisque BBNG se posent en véritables héritiers des grands musiciens du genre, leur virtuosité étant leur autre point commun. Mais tout en respectant leurs ainés, les Canadiens modernisent leur musique, n’hésitant pas à la marier à d’autres styles, le hip-hop en tête, une influence majeure qui se fait sentir dans le jeu et le son du trio, amenant le groupe à collaborer avec des représentants du genre comme MF Doom ou The RZA. L’apothéose viendra surtout avec Ghostface Killah et l’album Sour Soul paru l’an passé, un condensé de fusion qui laisse encore groggy à chaque nouvelle écoute. Cet été, nos platines voient donc arriver IV. IV comme la quatrième production du groupe – choix peu surprenant après tout, puisque les albums précédents se nommaient BBNG2 et III. Mais IV aussi puisque que le trio s’agrandit avec l’arrivée en tant que membre permanent de Leland Whitty au saxophone. Et avec cette nouvelle galette, BADBADNOTGOOD repousse les limites du genre. Avec ses nouvelles sonorités et son lot de featurings variés, IV devient la production la plus aboutie et la plus éclectique du quatuor.
Les sons se font plus synthétiques, comme dans un film d’anticipation des années 60, évoqué par le réveil embué de And That, Too. Lavender aussi a tout de l’aventure spatiale avec cette omniprésence des synthés et son groove syncopé, avant qu’on ne finisse définitivement en apesanteur avec le doux rêve évoqué et enfumé de Chompy’s Paradise. La musique de BBNG est très cinématographique, et on ne peut s’empêcher de penser à une poursuite dans les rues de San-Francisco dès l’entame du morceau éponyme. Les injections de hip-hop qui sont la marque de fabrique des Canadiens sont plus que jamais présentes, dans la rythmique de la terrible Confessions Pt II, conviant pour l’occasion un second saxophone qui pèse de tout son poids sur ce titre heavy à souhait. Et quand Mick Jenkins vient poser son flow sur Hyssop Of Love, on se rappelle forcément au bon souvenir de Sour Soul, une touche de ragga en plus.
Le groupe peut tout se permettre, même de composer des chansons appelées à devenir des standards de la soul, avec les deux titres parfaits que sont Time Moves Slow et In Your Eyes, portés respectivement par la voix masculine de Sam Herring et celle à faire fondre de Charlotte Day Lewis. Et tant qu’à faire, c’est avec une petite rythmique de bossa que Cashmere conclut la longue production. En pleine maturité malgré leur jeune âge, BADBADNOTGOOD avec IV s’imposent comme le groupe le plus créatif du moment dans le monde du jazz, et on ne saura que conseiller ce nouvel album pour qui voudrait les découvrir.
Florian Antunes Champion d’Europe Pires