À la Saline royale cet été, hommage est rendu au premier grand festival pop de l’ère moderne. Le Festival des Jardins s’est mis pour l’occasion aux couleurs du Flower Power, mais c’est aussi une exposition immersive qui accueille le public dans la Grande Berne jusqu’au 20 octobre. Diversions vous offrira, lors du week-end anniversaire de Woodstock (du 15 au 18 août). Surveillez les comptes Insta (ici) et Facebook (ici) du magazine ! En juin dernier, nous rencontrions le concepteur de Woodstock Spirit, Marc Benaïche, directeur de l’Atelier 144, qui nous en disait plus sur l’élaboration de cette exposition pas comme les autres.
Quelle a été votre motivation première pour vous intéresser au festival de Woodstock ?
Woodstock touche une bonne partie de l’humanité. Je pense que dans ce sens je ne suis pas différent des autres, ça fait partie de la culture populaire occidentale et au-delà.
Votre exposition immersive – que l’on peut d’ailleurs qualifier aussi d’installation multimédia – se base sur des images du documentaire de Michael Wadleigh sur Woodstock, sorti en 1970. Qu’est-ce qui vous a marqué dans ce film ?
Moi je ne suis pas de la génération Woodstock, je suis né quelques années après mais en effet, le film de Michael Wadleigh a continué à propager l’énergie, l’image Woodstock pendant de longues décennies. J’ai été particulièrement marqué par ce film, par ces images et quand on regarde ado, on s’initie à plein de choses : on s’initie à la musique, à une forme de liberté. J’étais en train de monter une autre exposition à New York qui aura lieu l’année prochaine, et j’ai eu la chance de rencontrer Michael Lang. C’était il y a deux ans, et quand j’ai su que je rencontrais l’organisateur de Woodstock, je n’ai eu qu’une envie : c’est de lui proposer quelque chose, d’imaginer quelque chose sous forme d’exposition. Il m’a dit « Ok, vas y « ,et du coup voilà le projet est parti comme ça !
Ce qui constitue l’originalité de Woodstock Spirit, c’est son caractère immersif. Muni de lunettes spéciales, le visiteur arpente Woodstock et son époque. L’immersion est aussi l’une de vos spécialités…
Je m’attache à l’expérience des visiteurs. Ce qui m’intéresse ce n’est pas faire des expositions libres où il faut lire trop de choses, où au final on est vite assaillis par toutes les choses qu’on ne connait pas. Je me pose toujours la question de savoir ce que je retiens de ces expositions, quelle expérience j’ai vécu. Ce qui est intéressant dans la notion d’exposition, c’est cette implication physique des corps et du mouvement face à un savoir, une information, une émotion, et donc je cherche à créer toujours des connexions entre un déplacement physique et une expérience de contenu, une expérience éditoriale, une expérience artistique.
Les lunettes portées par les spectateurs opèrent un décalage avec leur environnement, une « expérience » très en phase avec l’époque de la fin des années 60 finalement.
Je travaille plutôt autour de sujets musicaux et en effet ce qui m’intéressait dans l’utilisation de ce processus, c’était de retrouver le décalage que pouvaient vivre les festivaliers de Woodstock à cette époque, des décalages soit accentués par la prise de substances et de psychotropes, soit un véritable décalage très pensé, intellectuel dans son inscription dans la contre culture américaine de cette époque. J’ai donc renversé les images. On est renversé à 90 degrés. On parcourt cette exposition d’une autre manière.
Comment décririez-vous Woodstock, 50 ans plus tard ?
Woodstock est la rencontre de plein de choses : c’est un événement culturel sans comparaison. Il vient après d’autres festivals de musique comme le festival de Monterey en 1967. Il est dans son temps, correspond à un moment mais il vient surtout après de nombreuses manifestations contre le Vietnam qui avaient été sévèrement réprimées par la police, et là de manière assez extraordinaire, pendant ces trois jours, sur 500 000 personnes malheureusement, il n’y a que deux personnes qui meurent, pas du tout parce que c’était violent mais parce qu’elles étaient malades. Quand on regarde les images, on voit vraiment à l’œuvre 500.000 personnes dans une relation fraternelle. Quand j’ai commencé à étudier le sujet je me suis dit : mais qu’est-ce qui fait que Woodstock était si différent des autres moments ? Et finalement quand on se replace dans le temps de cette époque, c’est seulement trois semaines après que Neil Armstrong soit allé sur la Lune. Je pense que les policiers dans les airs dans leurs hélicos, les artistes ou les festivaliers, ils avaient tous en tête les images qu’ils venaient de voir trois semaines auparavant. Mettre le pied sur la Lune, c’était une façon de se dire que désormais tout était possible, et je pense que c’est cette énergie qui a habité ce festival.
Propos recueillis par Dominique Demangeot
Exposition Woodstock Spirit, Saline royale, Arc-et-Senans, jusqu’au 20 octobre 2019
www.salineroyale.com