INDIE
Jagjaguwar / 2016
Envoûtant, enivrant… Les superlatifs risquent de manquer pour qualifier la nouvelle production de la protégée de Bonnie Prince Billy, qui livre incontestablement un des plus beaux albums de la rentrée.
Angel Olsen incarne, au même titre que Sharon Van Etten ou Hannah Cohen, la part féminine de la scène rock indé américaine, de celles qui mettent de leur personne dans chaque chanson, dévoilant une part d’elles-mêmes à travers leur musique qui devient alors totalement habitée, passant d’un rock frénétique à des titres plus mélancoliques et sincères. Avec MyWoman, Angel Olsen continue toujours avec cette touche indé de la fin de siècle dernier qu’elle avait développée sur BurnYourFire For No Witness mais s’ouvre plus, utilisant toutes les variations de sa voix comme lorsqu’elle participait aux harmonies chez Will Oldham. Mais cette fois-ci, la belle Américaine ose plus, va plus loin dans la construction de ses compos et dans ses orientations musicales, ce qui permettra à My Woman de s’inscrire dans le temps, la chose qui manquait peut-être à sa précédente production. La mouture 2016 devient alors un disque impossible à qualifier ou à dater, tant il fourmille d’idée.
La piste d’ouverture Intern nous accueille dans un rêve éveillé, avec la sobriété d’un clavier vintage, une dérive en apesanteur bercée par la voix d’Olsen, avant que la suite ne s’électrifie. Never Be Mine mélange savamment une rythmique fifties à une ambiance caliente, avant que Shut Up Kiss Me et Give It Up ne retrouve la couleur indie à la Pixies de BurnYourFire For No Witness, des titres efficaces mais presque un peu trop simples comparé à ce qui va suivre. Not Gonna Kill You lance une pop rageuse, aux guitares saturées que n’aurait pas renié la jeune Polly Jean Harvey. Et c’est à ce moment-là que My Woman va prendre une nouvelle tournure, plus calme et plus sensible.
HeartShaped Face inaugure la deuxième partie de l’album. L’ambiance se fait plus posée, au coin d’un feu. Une petite mise en bouche avant Sister qui incarne la perfection de la ballade, où la réverb’ apporte toute la volupté de la voix d’Angel Olsen à ce titre mélancolique. La variation de la voix, c’est le déclic qu’il manquait jusqu’ici dans l’œuvre de la chanteuse. Et avec Intern et Sister on sent qu’elle se laisse définitivement aller, comme de dresser un lit de velours pour le blues de Those Were The Days. Une basse langoureuse, des nappes de synthé discrètes, un solo psyché que les fans de Dan Auerbach apprécieront sont la recette de My Woman, qui nous guide vers la conclusion au piano de Pops, une fin qui sent déjà la nostalgie pour un album maitrisé de bout en bout, l’œuvre d’une chanteuse qui risque de faire enfin parler d’elle.
Florian Antunes Pires