ROMAN
Albin Michel
Parution le 1er février 2023
Dans la forêt vosgienne, Capucine et Adrien ont fondé La grange des Censes perdues, lieu reculé où les âmes en peine ont l’opportunité de se reconstruire.
Leurs premiers hôtes sont Karine, prof quarantenaire qui pense noyer sa solitude dans une bouteille d’alcool, Rémy, ancien libraire, grand gaillard sortant de prison et Clémence, tout juste 18 ans, frêle et anorexique, que la vie n’a pas non plus épargnée. Le trio dépareillé accepte de passer quelques semaines dans les Vosges afin de se « remettre en marche ». Ils débarquent dans cette « bulle au milieu du chaos » avec leurs secrets, un lourd passé que la vie et le travail en pleine nature, la cuisine (voire même le crochet !) permettront peut-être d’alléger. On retrouve les personnages d’Adrien, ancien maître-chien, et Capucine, que l’on avait découverts dans le précédent roman d’Agnès Ledig (La toute petite reine, Flammarion, 2021), qui doivent, eux aussi, faire taire leurs démons. Et comme dans le cadre d’une véritable thérapie, c’est par bribes, peu à peu, qu’Agnès Ledig laisse ses personnages se confier. La nature (l’autrice a une formation d’agronome) tient évidemment une place centrale dans le processus de guérison des personnages.
Agnès Ledig connait bien la région des Vosges pour y avoir emménagé récemment, un lieu en pleine nature, entre montagne et forêt. Un lieu idyllique (du moins peut-on le penser de prime abord), où le travail de la terre y est valorisé, à la fois apaisant et rémunérateur, offrant de plus un rythme, un horizon. Fouiller la terre (ou muscler son corps comme Rémy en prison) permet de garder ses idées noires à bonne distance. Pour Adrien et Capucine, la permaculture, qui consiste à « chercher l’équilibre en tout », s’apparente d’ailleurs à une métaphore de l’existence, et la découverte d’un escalier souterrain va offrir à Karine et Rémy une autre occasion d’oublier leurs tracas pour « trouv[er] du sens, quelques mètres sous terre ». Et le roman de s’orienter alors vers une enquête qui va les mener jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, car le passé aussi a ses blessures.
Marc Vincent